Pour trouver des bras, l'industrie française contrainte d'afficher des valeurs

Chez certains DRH, un sentiment de panique voit le jour. L'industrie peinait depuis longtemps à recruter, mais la pénurie de candidats ou candidates s'étend, faute de jeunes formés à proximité, ou d'envie d'aller "travailler à l'usine".

En pleine tentative de relocalisation de production sur le territoire national, "l'industrie française connaît des tensions assez fortes sur des compétences clés", résume Stéphanie Lagalle-Baranès, chargée de piloter les besoins de recrutement et de formation des 32 principales branches industrielles françaises (sauf l'agroalimentaire) au sein de l'organisme paritaire OPCO 2i.

"Il manque des candidats pour des métiers comme usineur ou technicien de maintenance, avec de moins en moins de filières de formation", explique Patricia Gabriel, directrice des ressources humaines chez KSB, un fabricant de pompes et robinets industriels qui a cinq usines en France.

Prenez Châteauroux, dans l'Indre: "Les filières de baccalauréat professionnel ont disparu dans le coin" dit-elle. "Et si l'Etat nous a ouvert la possibilité d'ouvrir nos propres écoles localement, c'est impossible pour nous d'offrir des débouchés chaque année": l'usine KSB n'emploie que 130 personnes.

Pour son usine de pompes, KSB s'est donc associé il y a cinq ans à d'autres employeurs locaux et à l'entreprise d'intérim Adecco pour lancer une filière de formation, où la société recrute chaque année quatre ou cinq usineurs spécialistes de mécanique.

Ce qui l'inquiète, c'est que les "tensions" s'étendent. "Un poste de technico-commercial itinérant dans la région d'Aix-en-Provence avec voiture de fonction est resté vacant six mois, du jamais vu". "Il y a seulement quatre ans, on n'avait même pas besoin de publier un poste comme celui-ci, les gens venaient par le bouche-à-oreille", dit Mme Gabriel.

Depuis les confinements de la crise sanitaire, peu de gens rêvent d'usines, et du cortège de clichés qu'elles embarquent - pénibilité, bruit, gestes répétitifs, manque d'autonomie, horaires contraints -, forçant l'industrie à se remettre en cause.

Un DRH du secteur de la construction, qui peine aussi à recruter, confie à l'AFP qu'il tente de mettre sur pied des contrats flexibles, offrant la possibilité d'un deuxième job, ou une journée de congés hebdomadaire supplémentaire par exemple, pour attirer des candidatures.

La débrouille locale est parfois très inventive. Quand le secteur automobile émetteur de gaz à effet de serre s'en va, et que s'installent à proximité des ateliers de sellerie-maroquinerie, on tente la reconversion.

- "fabriquer l'avenir" -

Un projet Peugeot-Hermés "a très bien fonctionné" près de Sochaux, dit Mme Lagalle-Baranès. L'atelier Boudard, du Centre de Formation des Apprentis (CFA) du pays de Montbéliard, où l'on apprend à fabriquer à la main un sac de A à Z, est tout près de l'usine PSA (aujourd'hui groupe Stellantis).

"On a d'autres exemples, mais il faut travailler dans la dentelle, et gérer les problèmes individuels, notamment ceux des déplacements", ajoute Mme Lagalle-Baranès. Les usines ne sont jamais en centre-ville.

Une évidence pour Cléophée Marchal, 21 ans, souffleuse de verre à la manufacture de la cristallerie Saint-Louis en Moselle, en deuxième année de CAP.

"Il faut le permis et la voiture, je le savais, je m'étais préparée", explique la jeune femme qui a abandonné sa première année de médecine pour se lancer dans un CAP en alternance, afin d'apprendre à "faire du cueillage" ou à "maillocher" le verre, son rêve d'enfance.

Alors que s'ouvre mardi à Lyon le salon Global Industrie, une campagne de communication "Avec l'industrie" vient d'être lancée pour l'associer à des "valeurs" et "dessiner un nouveau projet de société" pour "fabriquer l'avenir".

Elle montre un sportif handicapé courant un 100 mètres avec du matériel médical innovant, des chercheurs travaillant sur l'hydrogène décarboné ou sur des bornes de recharge électrique.

Le but: montrer que l'industrie peut aussi "changer la vie" en bien, et qu'elle est essentielle pour lutter contre le réchauffement climatique, par exemple pour fabriquer des éoliennes.

Les 32 principales branches industrielles (aéronautique, pharmaceutique, chimique..) prévoient au total 280.000 recrutements en 2023, et disposent de 76.000 postes non pourvus, du soudeur au chercheur en matériaux, en passant par le ou la technicien(ne) de maintenance en robotique.

im/ico/pta

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