Après avoir compté plus de 3.000 personnes à la rue en 2018, Paris s'attend à "recenser plus de sans-abris" lors de la deuxième édition de sa "Nuit de la solidarité", qui mobilisera jeudi 2.000 personnes pour ce comptage inhabituel en France.
"On va avoir une vision élargie", a expliqué Dominique Versini, adjointe à la solidarité de la maire de Paris. "En explorant des endroits nouveaux et un peu cachés, on s'attend à recenser plus de sans-abris que l'an dernier".
Le périmètre a été étendu à des interstices jusqu'ici inexplorés: les parcs et jardins, les talus du périphérique, les immeubles du bailleur Paris Habitat, de nouveaux parkings...
Inspirée par des initiatives existant à New York, Bruxelles ou Athènes, cette opération inédite en France avait recensé 3.035 sans-abris à Paris la nuit du 15 février, dont deux tiers n'appelaient jamais le Samu social pour réclamer un hébergement.
Cette année, 1.600 Parisiens bénévoles et 400 travailleurs sociaux volontaires participeront au comptage. Dans la nuit de jeudi à vendredi, ils quadrilleront Paris par petites équipes pour dénombrer les personnes dormant à la rue, sauf les bois de Vincennes et Boulogne déjà répertoriés par les professionnels.
La SNCF, la RATP et l'AP-HP assureront elles un décompte dans les gares, les métros et les hôpitaux.
Un questionnaire anonyme sera rempli par les sans-abris qui le souhaitent, pour mieux cerner leurs profils et leurs besoins. Objectif: fournir "une photographie" qui permette "d'adapter les politiques publiques", selon Mme Versini. Les premiers résultats seront divulgués le 14 février, l'analyse complète est attendue fin mars.
La première édition avait notamment mis en évidence une féminisation de la rue: 12% personnes sans toit rencontrées dans Paris étaient des femmes. En 2012, elles ne représentaient que 2% des sans-abris de l'agglomération parisienne, selon l'Insee.
Depuis cette observation, Paris a ouvert des haltes et centres dédiés aux femmes et prévoit de leur réserver un bain-douche municipal à partir de mars.
Loin des querelles de chiffres qui avaient mis à mal le gouvernement l'an dernier, la mairie souligne aussi ses efforts partagés avec l'État. Depuis l'hiver dernier, elle a trouvé 1.800 places d'hébergement d'urgence supplémentaires dans des bâtiments de la ville et le gouvernement en a ouvert 2.000 à Paris, a rappelé Mme Versini.
"Ce sont souvent des places temporaires qui ferment à fin mars", remarque Florent Gueguen, directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS). Face à un système d'hébergement saturé, "la réponse des pouvoirs publics à ces opérations de comptage reste pour le moment assez faible", selon lui.
Il salue toutefois "un exercice salutaire", qui "comble un angle mort de la statistique publique": les dernières enquêtes de l'Insee sur les SDF remontent à 2012 et 2001.
"En l'absence d'enquête nationale, que les collectivités locales prennent le relais est extrêmement intéressant", abonde Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, en notant que d'autres métropoles - Strasbourg, Grenoble, Metz, Nantes, Toulouse, Montpellier - imitent la démarche parisienne.