Pour réduire les déchets du BTP, recycler le plâtre... non sans écueils

Dans un hangar où flotte de la poussière blanchâtre, une montagne de plâtre usagé attend d'être traitée pour être recyclée, une activité en plein essor visant à réduire les déchets et les émissions de carbone.

Nous sommes à Rohr, petit village alsacien, dans l'usine Ritleng Revalorisations, ouverte en 2013 et qui avec 35 salariés traite 47.000 tonnes de déchets par an.

Trois ouvriers en tenue orange, masqués, voient défiler devant eux sur un convoyeur du plâtre en passe d'être traité. Ils trient grossièrement les impuretés à l'intérieur: plastique, nylon, gravats, ferraille, bois...

La matière va ensuite passer par plusieurs tamiseurs et broyeurs automatisés, afin d'affiner le nettoyage du plâtre pour en retirer un maximum de déchets.

Au bout de la chaîne s'entassent d'un côté les impuretés récupérées ; d'un autre, le gypse - la matière première du plâtre - recyclé, en grains ou en poudre. Il y reste quelques billes de polystyrène visibles à l'oeil nu, qui ont échappé au traitement.

"C'est quelque chose qu'on peut recycler à l'infini, parce qu'on ne perd pas de particularité de la matière. Donc c'est quelque chose de vertueux, et on l'intègre de plus en plus à la fin de vie des bâtiments", se félicite le fondateur de l'entreprise, Jean-Luc Ritleng.

C'est l'écotaxe versée par les producteurs de matériaux qui permet de financer son activité, 5 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2024. Mais l'entreprise espère en arriver "à un modèle industriel où ce sont les sorties (les livraisons de matière traitée, NDLR) qui font le chiffre d'affaires", explique le directeur du développement, Henri de Préaudet.

- "Impact carbone significatif" -

Le recyclage du plâtre par les industriels semble en nette hausse chaque année, selon les chiffres communiqués par leur organisation professionnelle (Snip): 205.000 tonnes de déchets traités en 2024.

Soit environ un tiers des déchets de plâtre produits en France annuellement, selon les estimations de l'Agence de la transition écologique (Ademe).

Recycler le plâtre plutôt que l'enfouir "a un impact carbone significatif qui se compte en dizaines de pour-cent dans la mesure où les distances sont faibles" entre l'origine des déchets et l'usine où ils sont traités, explique à l'AFP Sylvain Laurenceau, directeur économie et ressources au Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB).

L'impact carbone des produits de construction et équipements était de 50 millions de tonnes équivalent CO2 en 2019, soit environ 7,5% des émissions de la France.

"Il faut aussi se rappeler qu'il y a un enjeu de ressources. Pas loin de 70% du gisement de gypse est en Île-de-France", région très urbanisée où il est extrêmement difficile d'ouvrir de nouvelles carrières, ajoute Sylvain Laurenceau.

En recyclant, "on n'abîme pas de terrains, on n'a pas de remise en état à faire", se félicite aussi Lucile Charbonnier, directrice développement durable chez Placoplatre, filiale de l'industriel Saint-Gobain qui revendique 120.000 tonnes de plâtre recyclées en 2024.

"Aujourd'hui, on est capables de faire des plaques avec 100% de gypse recyclé", dit-elle.

- Déchets complexes -

Mais c'est plus aisé pour les déchets dits "simples", c'est-à-dire déjà séparés des autres matériaux: polystyrène, carton, gaines en plastique, vis en métal...

Pour les déchets complexes, non séparés de ces impuretés, comme ceux dont s'occupe Ritleng, la tâche est plus ardue et consiste à rapprocher au maximum les propriétés du produit final de celles du plâtre neuf.

"Il faut qu'on renforce notre démarche qualité, c'est-à-dire avoir un gypse le plus proche du cahier des charges des industriels", expose Henri de Préaudet.

L'entreprise alsacienne a été mise en cause à plusieurs reprises pour un manque de vigilance vis-à-vis de déchets contenant de l'amiante, matériau cancérigène.

Le parquet de Strasbourg a aussi confirmé enquêter sur différents faits à son propos, sans plus de précisions, et sans avoir pour l'heure engagé de poursuites.

"Nous avons reformé (...) l'ensemble des salariés au contact de la matière, chauffeurs compris" en 2025, veut rassurer Henri de Préaudet.

"Aujourd'hui, la qualité du produit, tel qu'on le sort, on sait qu'elle correspond aux industriels", assure aussi Arnaud Ritleng, fils du fondateur et responsable de production.

Pour augmenter sa production de plâtre recyclé, l'entreprise prépare l'ouverture, en 2026, d'un second site, dans l'Oise.

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