Pour que les enfants mangent mieux, "valorisons le plaisir" (chercheuse)

Les messages incitant les enfants à mieux manger manquent souvent leur but car ils font appel à la rationalité plus qu'au plaisir, a expliqué mardi à l'AFP Sandrine Monnery-Patris, chercheuse à l'INRA (1), alors que l'agence sanitaire Anses alerte sur la consommation trop élevée de sucre dès le plus jeune âge.

QUESTION: Est-ce que de bonnes connaissances nutritionnelles sont synonymes d'un meilleur comportement alimentaire des enfants ?

REPONSE: "Chez les enfants, le plaisir est un moteur prioritaire des choix alimentaires. Ils ne choisissent pas un aliment parce qu'il est riche en oméga 3, mais parce qu'il est bon au goût.

Dans une expérience réalisée au Centre des sciences du goût et de l'alimentation avec des enfants de 6 à 11 ans (2), on a voulu comprendre si plaisir et santé étaient deux concepts antinomiques, comme on l'observe dans les messages de recommandations, qui montrent du doigt des aliments considérés comme des aliments-plaisir, au profit d'autres considérés comme plus sains.

Les enfants étaient invités à choisir cinq portions pour constituer leur goûter, sur un buffet présentant des fruits, des compotes, des brownies au chocolat et des bonbons.

On a observé que les enfants qui valorisent le plus le goût des aliments choisissaient plus d'aliments sains que ceux qui avaient un profil plus rationnel."

Q: Observe-t-on aussi ce mécanisme chez les adultes ?

R: "Plusieurs études ont mis en évidence l'+effet boomerang+ des messages sanitaires, qui finissent par être contre-productifs, et le fait qu'un aliment assorti d'un message sanitaire est perçu comme meilleur pour la santé, quelles que soient ses qualités nutritionnelles réelles.

Par ailleurs, la multiplication des injonctions a des effets pernicieux, qui modifient notre rapport à l'alimentation, déjà complexe. Il faut manger bio, équitable, local, prendre en compte la souffrance animale...

Manger devient une stratégie mais en même temps il faut manger trois fois par jour. L'instauration d'habitudes alimentaires, très difficiles à modifier une fois installées, nous évite d'être dans l'inhibition."

Q: En pratique, comment les campagnes grand public devraient-elles évoluer pour atteindre leurs objectifs, par exemple que les enfants mangent moins de sucre ?

R: "Puisque ça ne marche pas avec le rationnel, valorisons le plaisir. Au lieu de +Pour ta santé, mange cinq fruits et légumes par jour+, ou +Ne mange pas trop gras, trop sucré, trop salé+, disons plutôt: +Fais-toi plaisir, mange des fruits!+.

Il vaut mieux valoriser une communication qui s'appuie sur les leviers du sensoriel, du culinaire, plutôt qu'une communication culpabilisante, abstraite, pas toujours comprise par les enfants".

(1) Chargée de recherche au Centre des sciences du goût et de l'alimentation (INRA/CNRS/Université Bourgogne-Franche-Comté), membre du comité exécutif de la Fondation pour l'innovation et la transmission du goût (organisatrice de la Semaine du goût)

(2) Article publié en 2017 dans la revue "International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity".