Le retour de la consigne en France, une bonne idée pour mieux collecter les déchets, mais à certaines conditions: un rapport remis au gouvernement jeudi tente de déminer le sujet, source de vives contestations au moment où le Parlement doit entamer son examen.
Ce bilan veut "aider à éclairer le débat", dit son auteur Jacques Vernier, expert du secteur du recyclage missionné par le ministère de la Transition écologique. Ses conclusions ont aussitôt été accueillies fraîchement par les professionnels du tri et représentants des collectivités locales, qui craignent la déstabilisation du service public de collecte de déchets au seul profit des fabricants de soda.
Le Sénat doit se saisir dès la semaine prochaine de ce dossier, inclus dans le projet de loi sur l'économie circulaire mais dont les modalités restent à définir.
Objectif fixé par Bruxelles: atteindre 90% de bouteilles en plastique collectées en 2029, quand la France est à 57%.
Pour Jacques Vernier, la consigne peut y contribuer, à condition que son montant soit assez élevé (au moins 10 centimes, 15 centimes étant jugé "bien ajusté"), les points de collecte nombreux (commerces de plus de 200 m2), et les fabricants des produits sanctionnables financièrement si l'objectif de récupération n'est pas atteint.
Selon lui, la consigne, qui porterait sur les bouteilles plastique, les cannettes de métal voire les briques, a l'avantage de concentrer la responsabilité sur un groupe, les producteurs.
Le rapport veut aussi lever les craintes des collectivités locales, aujourd'hui chargées de collecter ces déchets, notamment quant à la perte de revenus liée à une moindre vente de matières.
"Je suis sidéré que les chiffres les plus fous aient circulé sur la perte financière des collectivités", a dit M. Vernier à l'AFP.
"Du fait de la loi Grenelle, elles ne perdront rien: Citeo (éco-organisme emballages) doit toujours aux collectivités 80% du coût de traitement + 20% des recettes de vente de la matière. On perdrait 60 millions d'euros de vente de matière (si bouteilles plastique et cannettes sont concernées par la consigne), soit 12 millions pour les collectivités: c'est dans l'épaisseur du trait! D'ailleurs l'Etat pourrait décider de les compenser".
- "Surcoût au consommateur" -
Mais le propos fait bondir Amorce, association de collectivités pour qui la loi est trop floue pour garantir ce financement. "Comme d'habitude on se fera avoir"!, prévient son délégué général Nicolas Garnier, citant des précédents.
Les villes ont aussi commencé à agrandir et moderniser les centres de tri pour répondre à la décision de 2015 d'ouvrir la poubelle jaune à tous les emballages plastique, pour améliorer la collecte.
Pour Amorce, les propositions Vernier, proches de celles des professionels de la boisson, se concentrent sur les emballages les plus valorisables, mais quid des pots de yaourt et autres barquettes qui ne sont recyclés qu'à 4% ?
"Et quel est l'avenir du service public si le marché reprend tout ce qui vaut un peu quelque chose?", ajoute M. Garnier. Dans l'immédiat, "on additionne deux services de collecte, celui du service public et celui des supermarchés et de Coca. A un moment, il y aura bien un surcoût, qui sera pris sur le consommateur".
Pour Federec (industriels du recyclage), la consigne "est une bêtise environnementale, économique et sociale", dit son président Jean-Philippe Carpentier, pour qui "rien n'est fait" sur les déchets de la consommation hors du domicile, jetés par exemple dans les poubelles des gares ou des aéroports.
Le patron de Paprec, Jean-Luc Petithuguenin, évoque des centaines de millions d'euros perdus par les Français qui ne viendront pas récupérer leurs consignes.
L'ONG Zero Waste, elle, ne montre pas d'opposition de principe à une consigne du plastique pour recyclage, mais insiste sur le réemploi, du verre notamment.
"Il ne faut pas que la consigne devienne le nouveau geste écologique ultime. Le geste écologique, c'est limiter les emballages", insiste Laura Châtel.
La secrétaire d'Etat Brune Poirson a été confrontée mardi à une avalanche de questions de sénateurs sur le sujet lors d'une audition. Elle espère que la consigne pour les emballages de boissons pourra se faire d'ici à 2022, et répète que le choix des modalités n'est pas tranché.