Pour les ONG en Birmanie ravagée par le séisme, la peur de manquer

En Birmanie, pays déjà en proie à une guerre civile, les ONG internationales craignent à plus ou moins court terme de manquer de tout, cinq jours après le séisme qui a fait près de 2.900 morts: eau, vivres, tentes, médicaments...

Samedi, les équipes de Médecins du monde ont mis 12 heures au lieu de six pour rejoindre par la route Mandalay (centre) depuis la capitale, Naypyidaw, explique Elise Lesieur, responsable du pôle Asie au sein de l'ONG. En cause: des routes devenues pour certaines impraticables.

Les nombreuses répliques du séisme compliquent encore la tâche des équipes sur place, ajoute-t-elle: "Comme il y a beaucoup de bâtiments endommagés, à chaque fois qu'il y a un tremblement de terre, les gens sortent, ils ont peur".

Difficile aussi d'assurer une bonne coordination entre les équipes quand les réseaux de téléphonie ne fonctionnent plus ou mal, indique Mickael de Souza, coordinateur de Médecins sans frontières dans le pays.

"Il y a plein de régions, notamment plus au nord de Mandalay, dont on a aucune nouvelle", souligne-t-il.

A Mandalay, deuxième ville du pays gravement touchée par le tremblement de terre, l'électricité et l'eau potable manquent alors que les températures oscillent entre 35 et 39°C, souligne aussi Quentin Rouveirolles, directeur de Solidarités International en Birmanie.

Acheminer de l'eau en bouteille "n'est pas forcément" une solution "très pérenne" ajoute-t-il. "Il va falloir trouver des solutions" pour que de l'eau traitée soit acheminée en quantité suffisante, le séisme ayant endommagé les infrastructures.

La chaleur est écrasante, abonde un membre birman de l'équipe de l'ONG Care en Birmanie, se disant "très inquiet" pour les nombreuses personnes dormant toujours dehors alors que la saison des cyclones et de la mousson approche.

- Lenteurs administratives -

Présentes de longue date dans le pays, les ONG jointes par l'AFP ont pu distribuer tentes, bâches et kits d'hygiène et pour les soignants des kits de santé comprenant des bandages, du désinfectant et de la gaze stérile pour soigner les nombreux blessés.

L'employé birman de l'ONG Care craint lui que toute cette aide et l'approvisionnement en eau et nourriture ne viennent à manquer "prochainement", en appelant à l'aide internationale.

Car les lenteurs administratives compliquent l'importation de matériel et de médicaments dans le pays, selon ces ONG.

Le chef de la junte au pouvoir, Min Aung Hlaing, avait pourtant lancé vendredi un appel au secours auprès de la communauté internationale. Une démarche rarissime illustrant l'ampleur de la catastrophe.

Cet appel à l'aide ne s'est cependant pas concrétisé par des visas ni des autorisations d'importation obtenues plus rapidement, regrette Elise Lesieur, de Médecins du Monde, qui plaide pour que leur obtention soit "facilitée". Des importations de médicaments et matériel médical pourtant indispensables dans un pays où la guerre civile qui dure depuis le coup d'État du 1er février 2021 a décimé le système de santé et fracturé le pays et où sont actifs des dizaines de groupes armés.

La situation humanitaire était déjà alarmante avant le séisme, les combats ayant déplacé plus de 3,5 millions de personnes vulnérables, selon l'ONU.

Selon plusieurs organisations interrogées par l'AFP, environ 20 millions d'habitants, soit près d'un tiers de la population de ce pays qui en compte 54 millions, avait besoin d'aide humanitaire avant le séisme.

Le tremblement de terre a rendu hors service un grand nombre d'établissements de santé, "mais déjà avant, il n'y en avait pas assez", note par exemple Adéa Guillot, porte-parole de Care International en France.

"Le principal hôpital de Mandalay a été endommagé, le service des urgences s'est effondré" alors que l'hôpital a dû faire face à un important afflux de blessés, abonde Mme Lesieur.

"Il est important que la crise préexistante ne soit pas oubliée", insiste Quentin Rouveirolles, de Solidarités International. Et de rappeler que, dans les régions peu touchées par le séisme mais où le besoin d'aide humanitaire reste important, "il faut vraiment que l'on continue à pouvoir travailler pour ces communautés" vulnérables.