Pour la jeune génération, le palet breton n'est plus à côté de la plaque

"Dans le Sud, on leur explique que c'est la pétanque bretonne!": à Rennes et dans la péninsule armoricaine, le palet breton, jadis perçu comme désuet voire ringard, attire désormais les nouvelles générations, séduites par la convivialité de ce jeu mêlant précision et stratégie.

Dans un square rennais, au pied de l'emblématique tour des Horizons, des bruits sourds ou clinquants troublent la quiétude de cette fin de journée estivale.

Une radio crache des vieux tubes d'Indochine, les bières sont décapsulées et plusieurs joueurs de tous âges lancent dans une ambiance animée des palets en fonte sur une planche de bois en peuplier, de 70 cm sur 70 cm, placée à cinq mètres d'eux. Certains ont à peine plus de 20 ans.

"Il faut trouver son geste. C'est assez technique en fait, car il ne faut pas que le palet roule sur la planche", explique Simon Allain, saxophoniste. Il joue depuis une dizaine d'années et n'oublie jamais d'emporter son kit lors de ses tournées pour se divertir et faire découvrir ce sport.

"Il faut que le lancer soit en cloche et bien à plat pour qu'il ne godille pas", prévient Serge Anne, membre de l'association La p'tite planche, qui organise des tournois et forme les débutants.

Moyenne d'âge des adhérents de l'association: une trentaine d'années, selon sa trésorière Elodie Foubert, 34 ans.

Comme à la pétanque, le jeu a son jargon. Alors ne parlez pas de cochonnet: au palet breton, c'est "le maître" ou "le petit".

A la différence de sa cousine méridionale, le jeu est plus rapide, ponctué de moins de temps morts tactiques ("tu tires ou tu pointes?"), avec des parties en 12 points.

"A une époque, dans les années 1980 aux années 2000, c'était devenu ringard, il n'y avait que des retraités qui jouaient ou presque...Désormais on voit plein de jeunes", se réjouit Loïc Desprès, gloire locale à la casquette bien vissée.

-- effet confinement --

Historiquement, le jeu s'est développé "au début du XXe, surtout en Ille-et-Vilaine", explique Quentin Poirier, chargé de mission palet au sein de la Fédération nationale du sport en milieu rural (Fnsmr).

"Comme tous les jeux de palets, on y jouait pendant les fêtes de famille, les kermesses et les dimanches dans les fermes. Dans les années 1960, il y avait même une coupe de France de palet avec un millier de participants", ajoute-t-il.

Après un creux, le jeu "est en plein essor, il y a presque 350 associations de palets en France, dont environ 100 en Bretagne", note-t-il.

La marque Intersport a indiqué à l'AFP qu'elle commercialisait le jeu en Bretagne "depuis dix ans" et au plan national "depuis 3/4 ans".

Fabricant historique, David Jeux a vendu environ 30.000 planches et 300.000 palets l'an passé, sachant qu'un kit complet vaut 80 euros.

"On a un cycle de renouvellement de clientèle qui est important, avec des clients qui se rajeunissent, beaucoup de jeunes adultes", souligne Sébastien Colleu, chef du secteur commercial de cette PME.

Pour expliquer ce regain d'intérêt, les acteurs du monde du palet breton listent plusieurs facteurs. "Pendant le confinement dû au Covid, pas mal de gens ont joué et ça a permis de remettre des jeux ancestraux au goût du jour", observe Jean-Noël Chauvel, pratiquant venu de Châteaubourg.

"Le travail des fournisseurs est fondamental, car sans production de matériel, des jeux traditionnels meurent. Il y a aussi le lien avec la culture bretonne qui est très fort. Et enfin le jeu s'est structuré avec des compétitions qui sont proposées", explique M. Poirier.

Il rappelle qu'un grand tournoi a même été organisé en avril au Roazhon Park, antre du Stade rennais, où le bruit du palet a remplacé celui du ballon de foot.