L'appétit des Français pour le saumon, importé à près de 100%, ne faiblit pas et le déficit commercial se creuse: pour développer l'aquaculture, "enjeu de souveraineté alimentaire", le haut-commissaire au Plan François Bayrou a appelé jeudi à "un mouvement de reconquête", lors d'une conférence de presse.
Partant du constat d'un "déficit commercial chronique", alors même que la France "dispose d'un fort potentiel" avec le deuxième espace maritime mondial et de très nombreux cours d'eau, il appelle à un engagement fort de l'Etat pour relancer une filière à la peine.
En 2021, les produits de la mer, de la pêche et de l'aquaculture (pisciculture, conchyliculture, algoculture) présentent un déficit commercial de "4,6 milliards d'euros". "En 2022, on passe à 5,7 milliards d'euros, ça s'aggrave!", a-t-il lancé, soulignant que le seul saumon pèse plus d'un milliard dans ce déficit.
Actuellement, l'aquaculture française - un peu plus de 190.000 tonnes produites, essentiellement en conchyliculture - ne couvre que 8,7% des besoins nationaux alors que la demande s'accroît. Les Français figurent parmi les plus gros consommateurs de produits aquatiques de l'Union européenne, avec 31,8 kg par habitant et par an.
La production aquacole mondiale, largement dominée par l'Asie et notamment la Chine, progresse de 6,7% par an. D'après les projections de la FAO, l'aquaculture représentera plus de la moitié de l'offre globale de poissons d'ici 2032.
Dans un copieux rapport publié jeudi, le commissariat au Plan dresse un bilan du secteur, relève les obstacles au développement (administratifs, réglementaires, socio-culturels) et propose "un plan d'action" pour la montée en puissance des filières aquacoles d'ici à 2030.
Le rapport lance plusieurs pistes: tout d'abord, le "zonage et identification des espèces" pour déterminer les plus adaptées selon les territoires, puis des "sites industriels clés en main" pour un accès simplifié et rapide au foncier, une "simplification" des procédures d'octroi et de renouvellement des autorisations d'exploitation, un plan de formation et un appui à la recherche.
Rappelant que la France fut "une nation pionnière de l'aquaculture moderne", avec la première pisciculture industrielle d'Europe à Huningue (Grand-Est) au XIXe siècle, François Bayrou a déploré "une perte de la culture" piscicole.
"C'était plus facile d'acheter à l'étranger, on a moins investi technologiquement. On est aujourd'hui à un point d'inflexion, où on peut retrouver cette dynamique", a-t-il dit, ajoutant: "Si on veut préserver la biodiversité, on ne peut pas perpétuellement racler le fond des océans."