Un sursis pour les polluants éternels ? Les députés ont commencé jeudi l'examen d'une proposition de loi visant à restreindre la fabrication et la vente de produits contenant des PFAS, dont l'adoption est incertaine face aux réserves du camp présidentiel, sous pression des industriels.
Massivement présentes dans la vie courante (poêles en Téflon, emballages alimentaires, textiles, automobiles...), ces substances per- et polyfluoroalkylés appelés PFAS (prononcer "pifasse") doivent leur surnom à leur cycle de vie très long et, pour certaines, à leur effet néfaste sur la santé.
Adoptée à l'unanimité en commission des lois la semaine dernière, la proposition de loi présentée par l'écologiste Nicolas Thierry, premier des huit textes présentés par son groupe dans le cadre de sa niche parlementaire, devrait finalement être vivement débattue.
Comme Gabriel Attal mercredi, le ministre de l'Industrie Roland Lescure a défendu jeudi devant les députés la nécessité d'agir au niveau européen pour interdire l'usage de certains PFAS, en prenant appui sur le règlement européen sur les produits chimiques Reach.
Il a annoncé que le gouvernement donnerait un avis favorable à la suppression de l'article de la proposition de loi qui prévoit d'interdire la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché de certains produits qui en contiennent.
"Des restrictions ont déjà été mises en place (en Europe) et des interdictions seront prônées, prononcées dans de brefs délais", a-t-il dit, en écartant en revanche l'idée d'une interdiction générale. "L'interdiction totale des PFAS n'est pas inéluctable pour ceux qui n'ont pas d'impacts sanitaires", a-t-il soutenu.
Il a rappelé le soutien de la France à la démarche de cinq pays européens, qui ont déposé un dossier auprès de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) en vue d'un projet d'interdiction, et rappelé les grandes lignes d'un plan d'action publié jeudi par le gouvernement.
Le plan permet de "coordonner toutes les administrations pour étendre la campagne de mesures, pour réduire les rejets le plus vite possible, pour dépolluer l'environnement avec 26 actions, une administration pilote à chaque fois pour responsabiliser", a-t-il dit.
"L'échelle pertinente pour encadrer les rejets des installations (...) c'est le territoire, l'échelle pertinente pour interdire ou restreindre la mise sur le marché, l'usage de produits chimiques, c'est le cadre européen", a-t-il insisté.
- Menaces sur l'emploi -
Le rapporteur Nicolas Thierry avait lui rappelé dans son propos introductif le caractère "massif" de l'exposition aux PFAS, et le "sérieux risque pour la santé" qu'elle représente, en soulignant que le projet de restriction au niveau européen est "nécessaire" mais "pas suffisant".
Son texte propose d'interdire à compter du 1er janvier 2026 tout ustensile de cuisine, produit cosmétique, produit de fart (pour les skis) ou produit textile d'habillement contenant des substances per- et polyfluoroalkylées, à l'exception des vêtements de protection pour les professionnels de la sécurité et de la sécurité civile.
L'ensemble des textiles seraient concernés par l'interdiction à compter du 1er janvier 2030. Le secteur des emballages sort toutefois du périmètre de la loi, dans la mesure où un règlement européen doit "très prochainement" l'encadrer plus strictement.
Autres mesures, l'obligation de contrôler la présence de PFAS dans l'eau potable sur tout le territoire et l'application du principe pollueur-payeur avec une taxe visant les industriels qui en rejettent.
Auteur d'un rapport en février qui appelait à "faire cesser urgemment les rejets industriels" contenant des polluants éternels "sans attendre de restriction européenne", le député MoDem Cyrille Isaac-Sibille a apporté son soutien à la proposition de loi de M. Thierry.
"Ce matin nous avons une responsabilité (...) Nous devons montrer au gouvernement et à nos collègues sénateurs que l'Assemblée est unie et qu'elle ne souhaite pas que cette proposition de loi se perde dans les méandres et limbes de nos deux chambres", a-t-il dit.
Dans une perspective de compromis il a déposé un amendement qui prévoit de décaler l'interdiction appliquée aux ustensiles de cuisine au 1er janvier 2030.
Une prise de position concomitante à la mobilisation du fabricant d'articles de cuisine Seb, qui a brandi cette semaine la menace qu'une telle loi ferait peser sur quelque 3.000 emplois des usines Seb de Rumilly (Haute-Savoie) et de Tournus (Saône-et-Loire) qui fabriquent notamment les poêles Tefal.