"Polluants éternels": comment finissent-ils dans l'eau du robinet?

Comment les "polluants éternels", ou PFAS (pour substances per- et polyfluoroalkylées), substances chimiques utilisées dans de nombreuses industries, parviennent-ils à se propager jusque dans l'eau du robinet?

Quels secteurs d'activité utilisent, produisent ou rejettent des PFAS?

Utilisés depuis les années 1950, les PFAS sont présents dans énormément de procédés industriels. On les retrouve notamment dans "les décharges, les activités aéroportuaires, militaires, les activités industrielles et les ressources urbaines" mais aussi à la maison, dans des objets du quotidien comme les emballages agroalimentaires, les cosmétiques ou imperméabilisants, énumère pour l'AFP Khalil Hanna, professeur à l'École nationale supérieure de chimie de Rennes (ENSCR).

Ils sont également utilisés par l'industrie papetière pour conférer au papier "une résistance à l'eau et aux graisses, par exemple", observe Pierre Labadie, chimiste de l'environnement et directeur de recherche au CNRS. "Il peut aussi y avoir une contamination de la matière première si c'est du recyclage".

Comment se retrouvent-ils dans l'environnement?

Les résidus aqueux rejetés par ces industries sont traités dans des stations d'épuration et en ressortent sous forme de boues. Mais ces stations "ne sont pas équipées pour enlever tous les PFAS qu'on rejette. Donc, à la sortie, il en reste", note M. Hanna.

Or, ces boues sont couramment épandues pour fertiliser les champs, ce qui permet de les valoriser, explique Pierre Labadie.

Elles peuvent aussi passer par une unité de compostage, comme cela a été le cas dans la Meuse, puis le compost issu des boues sera à son tour épandu. Cela n'enlève pas la contamination par les PFAS.

Comment se transmettent-ils jusqu'à l'eau?

Lorsque les boues sont épandues dans les champs, s'opère un double transfert: d'abord dans les couches de surface du sol puis - pour certains PFAS particulièrement solubles dans l'eau - dans les couches plus profondes, par ruissellement.

Très mobiles, les PFAS sont des "contaminants voyageurs", résume Khalil Hanna.

Par ailleurs, même s'il n'y a plus d'épandage dans une zone géographique depuis plusieurs années, "les PFAS restent dans les sols", qui sont donc toujours contaminés sauf si des opérations de dépollution ont été entreprises, met en garde M. Labadie.

Les captages le restent aussi. Ils alimentent les réseaux publics d'eau et donc l'alimentation des foyers.

Pour l'heure, il n'existe pas de solution permettant d'éliminer totalement les PFAS présents dans les captages mais des filtrages par charbon actif peuvent permettre d'en diminuer le taux.

Une interconnexion des réseaux, qui consiste à diluer de l'eau contaminée avec de l'eau saine, pour faire baisser les concentrations, est aussi étudiée.

Quelles conséquences pour la santé?

Les PFAS retrouvés dans les eaux du robinet de la Meuse, des Ardennes ou des Vosges sont des molécules "extrêmement persistantes. On ne connaît pas de processus de dégradation dans l'environnement" et donc les émissions sont "cumulatives", souligne Pierre Labadie.

Mais leur résistance fait qu'ils peuvent également s'accumuler dans le corps humain, notamment dans les graisses, pointe M. Hanna.

Des études ont montré un lien "très probable" entre l'exposition aux PFAS et des pathologies comme les cancers du rein ou des testicules, l'excès de cholestérol, les baisses de réponse immunitaire ou encore le retard de croissance chez l'enfant ou le foetus, cite Khalil Hanna.

Lorsque les concentrations des 20 PFAS recherchés sont supérieures à 0,1 microgramme par litre, les autorités prennent des arrêtés interdisant de boire l'eau du robinet. Il reste possible de laver ses légumes ou de s'en servir comme eau de cuisson.

Des taux allant jusqu'à 0,27 microgramme ont été relevés à Villy dans les Ardennes, un record en France.