Le secrétaire d'Etat à la Mer a annoncé vendredi un "plan de transition énergétique" pour adapter les navires de pêche très gourmands en carburant, avec à court terme une réduction de 13 centimes par litre, mais "le compte n'y est pas", ont estimé les pêcheurs.
Ceux-ci, réunis pour leurs assises à Nice, exigent davantage d'aides publiques, l'aide de 20 centimes par litre de gazole qui leur était jusqu'à présent accordée devant prendre fin le 15 octobre alors même que le poisson se vend à des prix historiquement bas.
La ristourne de 13 centimes, selon le gouvernement, sera financée par TotalEnergies.
"Le verdissement du carburant aura pour premier bénéfice une réduction à la pompe de 13 centimes (par litre) pour tous les navires de pêche, tant que les prix seront élevés", a déclaré à la tribune des assises le secrétaire d'Etat à la Mer Hervé Berville, sans préciser quand cette mesure serait mise en oeuvre.
Mais avant même la fin de son discours, les pêcheurs ont quitté la salle en silence, le président du comité national des pêches Olivier Le Nezet estimant que "le compte n'y est pas".
Hervé Berville a détaillé son "plan de transition énergétique de la flotte" qui doit être selon lui "un véritable partenariat public-privé avec trois piliers": le "verdissement du carburant maritime", la "réduction de la dépendance de nos navires au pétrole" et "l'adaptation des infrastructures portuaires".
- "Cataclysme" -
"Sur le premier point, nous travaillons depuis plusieurs mois au verdissement du carburant maritime. Avec le PDG du groupe TotalEnergies, nous nous sommes mis d'accord pour que le gazole pêche soit plus vert en incorporant une part importante de biocarburant", a-t-il indiqué.
Selon le cabinet du ministre, l'énergéticien assure "les deux tiers de la vente du carburant marin" en France, et le biocarburant qui doit être incorporé à hauteur de 7,5% est "disponible".
Cette adjonction "ne nécessite pas d'adaptation des moteurs" des navires, mais "nécessite des investissements dans les stations", a-t-on précisé de même source. Ce qui prendra du temps.
Pour les pêcheurs, qui attendaient une réponse rapide face au "cataclysme" vécu par la filière du fait du coût des carburants, c'est "la déception".
Jugeant le plan du ministre "intéressant sur le moyen et le long terme", Olivier Le Nezet a souligné que de nombreuses entreprises de pêche exigeaient des réponses à "court terme voire en urgence extrême".
"Les mesures annoncées ne sont pas à la hauteur de la crise que traverse depuis des années la filière, celle du Covid, du Brexit, de l'énergie", a-t-il insisté, en appelant "au chef de l'Etat" qu'il demande à rencontrer.
- "Trahison" -
Vendredi après-midi, le député communiste Sébastien Jumel - à qui la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale va confier une mission sur la pêche - a estimé que le gouvernement devait "prolonger l'aide au carburant" au-delà du 15 octobre car il s'agit d'une "nécessité vitale", dans un courrier transmis à l'AFP.
"Le gouvernement prend le risque de contraindre les navires de pêche à travailler à la limite du seuil de perte ou à rester à quai faute de rentabilité, dans un contexte où le prix du poisson n'évolue pas, ou très peu, et alors que les consommateurs sont fragilisés par l'inflation", a-t-il déploré.
La tension montait ces derniers jours, après la confirmation par M. Berville de la fin des aides à la trésorerie de 20 centimes (hors taxe) par litre de gazole, décidées en mars 2022 pour aider les pêcheurs à faire face à la flambée du prix du gazole après l'invasion russe de l'Ukraine.
A la tribune vendredi, Hervé Berville s'est agacé: "Tout le monde était parfaitement au courant que l'aide carburant de 20 centimes s'arrêterait le 15 octobre, du fait des règles européennes".
Estimant crucial d'engager la transition du secteur, il a ajouté que "le gouvernement (faisait) aujourd'hui le choix d'orienter sur les dix années à venir 450 millions d'euros issus de la taxe éolienne" à son profit.
La flotte française, troisième de l'Union européenne derrière l'Espagne et le Danemark avec quelque 6.500 navires, a diminué de plus d'un quart en 20 ans. Ses armements sont vieillissants, comme ses marins, dont près de la moitié partiront à la retraite d'ici à cinq à dix ans.
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