Pétitions, "débats citoyens": le Parlement donne une nouvelle impulsion au Cese

D'institution discrète à "carrefour des consultations publiques": le Parlement a adopté mardi une réforme visant à redonner visibilité et tonus au méconnu Conseil économique, social et environnemental (Cese).

Avec davantage de pétitions populaires à examiner, de "débats citoyens" à organiser, le Conseil aura désormais pour mission de répondre à une forte demande de démocratie participative dans l'opinion.

Conforme à un engagement ancien du président Macron, le texte, rejeté lundi par le Sénat, a été finalement adopté par 418 voix contre 62 et 26 abstentions par l'Assemblée nationale, qui le valide ainsi au titre du Parlement.

La crise des "gilets jaunes" et le grand débat national qui a suivi, ou encore la Convention pour le climat, ont traduit un regain d'intérêt pour la participation citoyenne, sur fond d'abstention électorale et de défiance en hausse envers la politique et les élus.

D'où l'idée de redonner une jeunesse au Cese, institution consultative qui réunit dans les bâtiments style Art déco du Palais d'Iéna, à Paris, représentants des corps intermédiaires du monde économique, social, associatif etc.

"Il est nécessaire de réformer cette institution qui, depuis longtemps, ne remplit plus véritablement la mission qui lui a été confiée (par la Constitution), à savoir représenter un trait d'union entre la société civile organisée et les pouvoirs publics", a estimé le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti.

Le président du Cese Patrick Bernasconi s'est déclaré "très heureux" de cette réforme par laquelle cette institution "va pouvoir monter en puissance".

Le Conseil "va prendre une place plus intéressante dans le jeu institutionnel" et avoir davantage "d'ouverture sur le citoyen", a-t-il déclaré à l'AFP.

- Pétitionner à 16 ans -

A défaut d'un grand chamboulement par voie de révision constitutionnelle, la réforme par voie de loi organique revoit de nombreux rouages et missions de l'institution.

Il s'agit notamment de faciliter la saisine par voie de pétition du Cese, afin qu'il rende des avis sur des questions de sa compétence soulevées par le public.

Le nombre de signatures requis pour lui soumettre une question sur un sujet donné est ainsi ramené de 500.000 à 150.000.

Il sera également possible de mettre son nom en bas d'une pétition à partir de 16 ans, et non plus 18 ans. Une mesure saluée par le garde des Sceaux comme un "signal fort" vers la jeunesse pour qu'elle s'engage davantage dans le débat public.

Le Cese a aussi vocation à être le maître d'oeuvre de "consultations publiques", avec la possibilité de recourir au tirage au sort de citoyens, sur le modèle de la récente Convention citoyenne pour le climat.

Ce point a soulevé de vives critiques de la droite, en particulier au Sénat qu'elle domine.

Les sénateurs ont dans leur grande majorité assimilé le tirage au sort à une sorte de "sondage d'opinion", selon eux "incompatible avec la démocratie représentative" qui implique d'avoir à "rendre des comptes devant les électeurs".

Le garde des Sceaux a répondu mardi que la réforme "renforce la démocratie participative" et ne "menace en rien la démocratie représentative".

Le rapporteur au Palais Bourbon, Erwan Balanant (MoDem), a pour sa part souligné que le texte "fixe les règles et donne des garanties" pour encadrer ce tirage au sort.

- "Verticalité du pouvoir" -

Des voix se sont aussi élevées pour déplorer le caractère limité de cette réforme.

Pour le communiste Stéphane Peu, "il est vain de réformer le Cese si nous restons partout dans la verticalité du pouvoir" au profit du président de la République.

M. Dupont-Moretti a lui-même reconnu que cette réforme n'était pas une "révolution copernicienne", mais ajouté qu'il ne fallait pas "bouder son plaisir" face à un texte "qui va dans le sens de la démocratie".

La réforme prévoit également de réduire de 25% le nombre des membres du Cese, soit 175 personnes contre 233 actuellement. Huit sièges seront réservés à l'outre-mer, dont les élus ont ferraillé pour en avoir davantage.

Héritière lointaine du Conseil national économique fondé en 1925, cette institution est devenue sous la Vème République le Conseil économique et social (CES), auquel a ensuite été ajouté l'attribut "environnemental".