"Passage en force inacceptable", "remise en cause de l'indépendance de l'Anses": les députés socialistes et l'ONG Générations Futures ont dénoncé jeudi, dans des communiqués distincts, un décret portant sur l'autorisation des produits phytosanitaires et qui va, selon eux, "imposer des priorités" à l'agence sanitaire nationale.
Ce décret, paru jeudi au Journal officiel, "vise à préciser les modalités de traitement des demandes d'autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques par l'Anses afin de renforcer l'information et l'harmonisation des conditions de délivrance des moyens de protection des cultures".
Il indique que le directeur général de l'Anses "tient compte, dans le calendrier d'examen des demandes d'autorisation de mise sur le marché (AMM) des produits phytopharmaceutiques" d'un arrêté de la ministre de l'Agriculture établissant "la liste des usages" de pesticides ayant pour objet de lutter contre des ravageurs de cultures.
Le texte précise qu'il s'agit d'organismes nuisibles "affectant de manière significative le potentiel de production agricole et alimentaire, et contre lesquels les moyens de lutte sont inexistants, insuffisants ou susceptibles de disparaître à brève échéance".
"Concrètement, le directeur général de l'Anses devra tenir compte d'un calendrier d'examen des demandes d'AMM des produits phytopharmaceutiques établi par le ministère de l'Agriculture et donc retarder le retrait de produits dont les dangers pour la santé humaine et environnementale sont avérés", affirme le groupe socialiste de l'Assemblée nationale.
"Il s'agit d'une mise sous tutelle de l'Anses après plusieurs mois de tentatives de déstabilisation", accusent-ils.
L'association environnementale Générations Futures dénonce de son côté un "passage en force inacceptable" car, selon elle, "l'Anses devra tenir compte de cette liste d'usage prioritaire dans son calendrier d'examen des demandes d'autorisation, de modification ou de retrait des AMM".
Sollicitée par l'AFP sur les conséquences de ce décret sur son fonctionnement, l'Anses indique que "les dispositions prévues dans le décret nécessitent un examen attentif afin d'envisager les conséquences éventuelles qu'elles pourraient avoir pour l'Anses ou les autres acteurs concernés".
Depuis 2015, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) est mandatée non seulement pour évaluer la dangerosité des pesticides, mais aussi pour autoriser ou non leur mise sur le marché.
Elle rend des centaines de décisions par an, en toute indépendance scientifique, tout en étant un établissement public sous tutelle de quatre ministères (Agriculture, Santé, Transition écologique, Travail).
Certaines de ses décisions ont été remises en cause ces dernières années par le ministère de l'Agriculture, sous forte pression du premier syndicat agricole.