Pesticides et importations: l'angoisse des producteurs de blé

Après la pire récolte en 40 ans, les producteurs français de blé ont "le moral dans les chaussettes" et s'inquiètent des importations d'Ukraine et surtout de la raréfaction des pesticides disponibles contre les mauvaises herbes dans leurs champs.

"On a eu deux années cataclysmiques pour les céréales. 2024 a été pire que 2023, avec une baisse de volume de 27,2% (à 25,5 millions de tonnes) liée à deux facteurs: une baisse de surface (-12%) et une baisse des rendements (-17%)", a déclaré mardi Éric Thirouin, président de l'Association des producteurs de blé (AGPB), lors d'une conférence de presse.

"On a perdu 1,9 million d'hectares en 10 ans: cette baisse des surfaces, c'est le baromètre du découragement de la filière. Il faut que cela s'arrête ou il n'y aura plus de filière française du blé", a-t-il affirmé, déplorant que la France n'ait "toujours pas demandé à pouvoir utiliser la réserve de crise européenne".

"Le sujet le plus préoccupant, de manière structurelle, avant même le changement climatique, c'est celui de la protection des plantes: les produits disponibles sont de plus en plus rares et on sera dans une impasse d'ici un à deux ans", prévient-il.

Il a donné l'exemple du triallate, une molécule encore autorisée dans l'Union européenne mais plus en France: le produit contenant cette substance, très utilisé comme désherbant au moment des semis, s'est vu retirer son autorisation de mise sur le marché.

"On ne peut utiliser les stocks qu'on a encore que jusqu'en mars prochain. Le fabricant a déposé une nouvelle demande d'homologation, avec une nouvelle formule, qui n'a même pas reçu de numéro de dossier (préalable à son traitement) par l'(agence sanitaire française) Anses", s'est désolé M. Thirouin.

"Soit il faut renforcer les moyens de l'Anses, soit il faut prioriser les dossiers", a-t-il lancé, mettant en garde contre une "nouvelle distorsion de concurrence" puisque "le triallate est homologué en Italie, en Grèce, en Espagne".

L'AGPB, association spécialisée du syndicat majoritaire FNSEA, a par ailleurs à nouveau demandé la réintroduction de droits de douane pour le blé ukrainien. "En 2021, on a importé en Europe 150.000 tonnes de blé ukrainien, en 2023, on était passé à plus de 7 millions de tonnes (...) Cela déstabilise le marché", a affirmé M. Thirouin.