Les députés ont adopté vendredi en commission la proposition de loi, dite "Duplomb", dont la mesure phare réintroduit à titre dérogatoire un insecticide de la famille des néonicotinoïdes interdit en France depuis sept ans.
Pesticides, agrandissement des élevages, assouplissement de certaines obligations environnementales: combattu par les défenseurs de l'environnement, ce texte venu du Sénat veut "lever les contraintes" qui pèsent sur les agriculteurs.
Il reprend plusieurs revendications portées par certains syndicats agricoles, dont la FNSEA, mises sur le devant de la scène depuis le mouvement de colère des agriculteurs l'an dernier.
Le syndicat historique a appelé jeudi à de "nouvelles actions" à partir du 26 mai, date à laquelle le texte devrait commencer son examen dans l'hémicycle.
C'est la version adoptée jeudi par la commission des Affaires économiques (26 voix pour, 13 contre) qui sera débattue.
Si la présidente de la commission Aurélie Trouvé a salué la "qualité" des débats étalés sur trois jours, avec plus de 500 amendements étudiés, elle a toutefois dénoncé les menaces et ciblages "inacceptables" de certaines permanences de députés, dégradées ces derniers jours.
Une condamnation à laquelle s'est jointe la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet.
"Les inquiétudes du monde agricole, aussi légitimes qu'elles soient, ne sauraient s'exprimer par de telles pressions", a-t-elle dénoncé dans un communiqué après l'adoption.
Dans le détail, la commission a donné son feu vert à la possibilité de déroger durant trois ans à l'interdiction d'utiliser l'acétamipride, sous certaines conditions.
Ce pesticide, nocif pour les pollinisateurs, est interdit en France depuis 2018.
Autorisé ailleurs en Europe, il est réclamé par les filières de la betterave ou de la noisette, qui estiment n'avoir aucune autre solution pour lutter contre les ravageurs.
A contrario, les apiculteurs mettent en garde contre "un tueur d'abeilles" et demandent quelle souveraineté alimentaire imposerait de "tuer une filière pour en sauver une autre".
Durant les débats, les députés de gauche ont dénoncé une attaque à l'environnement, la santé et la science. La "littérature scientifique" sur la nocivité de l'acétamipride est "implacable", ont-ils martelé.
- "Bombe à retardement" -
Sur l'élevage, la commission a relevé la taille de certains élevages soumis à des demandes d'autorisations environnementales les plus contraignantes.
Les élus écologistes et insoumis ont dénoncé une mesure en faveur de l'élevage intensif qui ne répond pas à la crise des éleveurs car ne concernerait qu'une petite minorité.
Pour la députée du Rassemblement national Hélène Laporte, "aligner la réglementation avec les voisins européens n'est pas un cadeau mais la moindre des choses" pour une "filière au bord du gouffre".
Les députés sont toutefois revenus sur plusieurs dispositions du Sénat visant à encadrer plus strictement le travail de l'agence sanitaire Anses sur les autorisations de pesticides.
La semaine passée, la commission du Développement durable avait également rejeté un article ouvrant la voie à des dérogations environnementales pour certains projets de prélèvements et stockage d'eau.
Le groupe MoDem s'est réjoui de l'adoption en commission "d'une version plus équilibrée" qui permet de "proposer des mesures de simplification".
En amont des débats, une partie du bloc central avait exprimé son malaise face à certaines dispositions du texte, en particulier autour de l'indépendance de l'Anses.
A l'inverse, les écologistes ont fustigé "une véritable bombe à retardement pour la santé publique et la biodiversité".
"Il ne répond en rien aux enjeux de revenu, de lutte contre la concurrence déloyale, de maintien de l'élevage, de résilience face au changement climatique".