Pesticides, élevage et eau: les points-clé de la proposition de loi Duplomb

Réintroduction d'un pesticide, stockage de l'eau ou agrandissement des élevages: la proposition de loi destinée à "lever les contraintes" des agriculteurs portée par le sénateur Laurent Duplomb suscite des débats houleux, du champ au Parlement: voici les points-clé du texte.

Censé clore l'épisode de colère des campagnes né à l'hiver 2024, ce texte a ravivé les clivages: le premier syndicat agricole FNSEA juge "vitale" son adoption, alors que la Confédération paysanne (3e syndicat) rejette des mesures "mortifères" pour le vivant.

Lundi, 14 députés et sénateurs ont trouvé un accord sur une version commune en commission mixte paritaire (CMP), qui devra encore être validée au Sénat mercredi, puis à l'Assemblée le 8 juillet.

- Réintroduction de l'acétamipride

La mesure la plus décriée est la réintroduction encadrée et à titre dérogatoire de cet insecticide de la famille des néonicotinoïdes, interdit depuis 2018 mais autorisé en Europe jusqu'en 2033.

Elle est réclamée notamment par les producteurs de betteraves sucrières, qui affirment n'avoir aucune solution pour protéger efficacement leurs cultures.

FNSEA, comme Coordination rurale (2e syndicat), dénoncent une "concurrence déloyale" des producteurs européens et redoutent des importations de sucre ou noisettes produits avec des pesticides interdits en France.

Députés et sénateurs se sont accordés lundi pour une réintroduction sans instaurer de délai mais avec une clause de revoyure par le conseil de surveillance, trois ans après, puis annuelle, pour vérifier que les critères d'autorisation sont toujours remplis.

Selon des sources parlementaires, la mesure pourrait concerner jusqu'à 500.000 hectares sur le territoire, dans une fourchette haute.

Les députés ont aussi intégré quelques mesures, comme l'interdiction de la production, du stockage et de la distribution (notamment pour l'exportation) de produits phytosanitaires interdits à l'usage en France, mais à partir de 2026. Ou encore l'interdiction temporaire, à la main du gouvernement, de planter des végétaux qui attirent les pollinisateurs, après l'emploi de l'acétamipride.

Le retour des néonicotinoïdes, très toxiques pour les abeilles, est décrié par les défenseurs de l'environnement, les apiculteurs (qui ont vu leur production de miel s'effondrer après l'introduction de ces substances dans les années 1990) et la Confédération paysanne.

Des régies publiques de l'eau ont récemment alerté sur la "persistance dans l'environnement" des néonicotinoïdes, s'inquiétant d"une dégradation des milieux naturels, avec des conséquences lourdes sur les pollinisateurs, les sols, la santé humaine (...) et les ressources en eau".

- Le rôle de l'Anses

Le texte issu du Sénat prévoyait la possibilité pour le gouvernement d'imposer des "priorités" dans les travaux de l'agence sanitaire, mandatée depuis 2015 pour évaluer la dangerosité des pesticides mais aussi autoriser leur mise sur le marché.

Elus de gauche comme scientifiques avaient dénoncé une atteinte à l'indépendance de l'Anses.

Mardi, en CMP, les parlementaires ont trouvé un compromis en évacuant largement les dispositions les plus irritantes du texte final.

Il précise toutefois que l'Agence, lorsqu'elle examine la mise sur le marché et l'utilisation de produits phytopharmaceutique, devra tenir compte des circonstances "agronomiques, phytosanitaires, et environnementales, y compris climatiques qui prévalent sur le territoire national".

Un article précise également que les agents de l'Office français de la biodiversité (OFB), chargé de la police de l'environnement, exerceront leurs missions sous l'autorité du préfet.

- Irrigation et stockage -

Le texte initial visait à faciliter le stockage de l'eau pour l'irrigation des cultures, dans un contexte de raréfaction liée au changement climatique.

Si tous les agriculteurs sont d'accord pour dire qu'il n'y a pas d'agriculture possible sans eau, ils sont divisés sur les réserves, leur taille et leurs usages.

Des associations ont mis en garde contre "l'implantation de mégabassines qui accaparent" les ressources en eau "au profit de l'agriculture intensive".

L'article phare prévoit une présomption d'"intérêt général majeur" pour les ouvrages de stockages ainsi qu'une présomption de "raison impérative d'intérêt public majeur", à chaque fois dans l'intention de faciliter les procédures pour obtenir des autorisations de constructions.

Une mesure controversée sur la définition des "zones humides" a en revanche été retirée.

- Élevage intensif -

Le texte propose de faciliter l'agrandissement ou la création de bâtiments d'élevage intensif.

A partir de certains seuils, les élevages sont considérés comme des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) en raison de leurs émissions et doivent être enregistrés ou obtenir une autorisation pour les plus grands cheptels.

Ces seuils sont alignés sur la directive européenne relative aux émissions industrielles. Les filières d'élevage et la FNSEA demandent à les aligner sur une autre directive, plus permissive.

L'objectif est qu'un poulailler ne devrait demander une autorisation qu'à partir de 85.000 poulets contre 40.000. Une porcherie passerait de 2.000 à 3.000 cochons. Mais cette mesure ne s'appliquerait que fin 2026, quand les fédérations réclament une application immédiate.

Et le principe de "non régression" environnementale ne s'opposerait pas au relèvement de ces seuils selon le texte.

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