Face à la poursuite du mouvement des "gilets jaunes", commerçants, grossistes, restaurateurs et distributeurs demandaient jeudi à ce que le "libre accès" à leurs magasins et entrepôts soit respecté, les opérations de blocage pénalisant fortement leur activité à quelques semaines de Noël.
"Nous prendre en otage est inacceptable. Nous n'avons rien à voir dans le conflit qui oppose les manifestants aux pouvoirs publics", s'insurge Cécile Bartoli-Campi, directrice de l'enseigne But à Plan-de-Campagne (Bouches-du-Rhône), la plus grande zone commerciale de la région Sud avec ses 500 enseignes.
"Nous souhaitons juste travailler et pouvoir maintenir les emplois de nos collaborateurs. Si manifester est un droit, bloquer des personnes pour aller travailler et surtout empêcher les passants de faire leurs courses de Noël est une menace pour nos entreprises", souligne-t-elle.
Pour le délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), Jacques Creyssel, l'inquiétude est en effet "grande, surtout en cette période, avec (les promotions de) +Black Friday+ et les achats pour les fêtes de fin d'année qui débutent ce week-end".
Ses adhérents réclament que "la liberté de commercer soit garantie et notamment le libre accès à nos magasins et à nos entrepôts", indique-t-il à l'AFP.
Même si la situation est "très évolutive" en fonction des levées de blocages par les forces de l'ordre, parfois suivies de nouveaux blocages, "plusieurs dizaines de magasins étaient encore fermés hier (mercredi), certains depuis cinq jours", note-t-il.
- problème d'approvisionnement -
Dans un communiqué commun, la FCD, l'Ania (Association nationale des industries alimentaires) et Coop de France évoquent les "conséquences extrêmement graves sur l'ensemble de la filière agroalimentaire" que risquent d'avoir ces manifestations.
"Plusieurs dizaines d'entrepôts ne sont plus en état de recevoir ni de livrer des produits. Les approvisionnements de nombreux magasins ne peuvent donc plus être assurés, notamment pour les produits frais", précisent-ils.
Dans le Nord, le département a évalué à un demi-million d'euros le montant des dégradations sur les routes.
Au sein du commerce de gros, on s'inquiète aussi. L'un des plus opérateurs français dans le secteur alimentaire estime sa perte nette d'activité à "entre 10% et 15% par jour".
Les perturbations touchent l'ensemble du territoire, même si l'Ile-de-France est moins concernée selon M. Creyssel qui, au nombre des points noirs, cite l'Aquitaine, la Provence, l'Alsace, la Normandie ou la région du Mans.
Responsable franchisé du McDonald's du centre commercial Cité Europe à Calais, Amédée Jégo, explique à l'AFP que son fast-food a dû fermer samedi à partir de 13h00, "ce qui nous a fait perdre 50% à 75% de notre chiffre d'affaires, et 50% les jours suivants".
"Le centre commercial a été très affecté, nos salariés ont été refoulés sans ménagement et n'ont pas pu venir travailler samedi. La moitié des commerces ont été fermés ce jour-là", explique-t-il.
- pas un seul client -
A Plan-de-Campagne, l'inquiétude est grande à la veille du Black Friday, l'un des importants week-ends de l'année en termes de chiffre d'affaires.
"Nous avons déjà perdu beaucoup d'argent avec une baisse de fréquentation de 80% samedi, 50% dimanche et autant de baisse" des ventes, déclare Pierre Pedreno, président de Centre de Vie Régional, une association locale de commerçants.
Fondateur d'Intercave, Enrique Juste se dit quant à lui "effondré": il n'a pas eu un seul client le week-end dernier, ce qui, "pour un petit commerce" comme le sien, est "très grave".
Présidente de l'association Salanca des commerçants du centre commercial de Claira, le plus important des Pyrénées-Orientales, Valérie Serbouh explique à l'AFP comment elle a eu du mal à dialoguer avec les manifestants, car "il n'y a pas de responsable" parmi eux.
Elle raconte que "des coiffeuses, des caissières sont venus avec nous dialoguer avec les gilets jaunes", afin d'obtenir un accord, qui a permis que le centre commercial soit désormais "partiellement accessible sauf pour les gens qui viennent du nord, à cause du blocage du rond-point de l'autoroute".
En trois jours, conclut-elle, "l'impact sur l'activité globale du site, c'est plus de 3 millions d'euros de chiffre d'affaires en moins".
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