Pauline Jussy, gardienne de la mémoire des tombes

Des tombes décrépites, certaines qui penchent au risque de s'effondrer, d'autres dont les plaques ont disparu: dans le carré historique du cimetière de l'Est à Metz, Pauline Jussy, 29 ans, immortalise de vieilles sépultures avant qu'il soit trop tard.

Cette ville de l'est de la France n'est pas la seule concernée: aux quatre coins du pays, des mausolées tombent en ruine ou sont détruits pour laisser place à de nouveaux tombeaux.

Pour les "préserver" du temps et de la disparition, une opération, baptisée "Sauvons nos tombes" a été lancée il y a 10 ans par le site de généalogie en ligne Geneanet.

Pauline Jussy, est justement passionnée de généalogie. Elle y consacre son temps libre, quand elle achève sa journée de comptable à la Caisse primaire d'assurance maladie.

En survêtement, sac à dos et appareil photo, Mme Jussy arrive dans le cimetière accompagnée de sa mère, qui lui a transmis sa passion.

Destination: le "carré historique", un espace protégé où des tombes de militaires, hommes politiques, ou autres notables sont encore présentes, parfois dans de majestueux monuments avec vitraux. "Ce sont les plus anciennes de Metz", sourit-elle. Raison de plus pour les immortaliser.

- "La nature reprend ses droits" -

Pauline Jussy, cheveux roux bouclés, est chargée de prendre plusieurs photos de chaque sépulture: une vue d'ensemble d'abord, puis des photos de chaque face de la pierre tombale.

Le plus souvent, il y a "le nom, le prénom, la date de naissance et de mort", le lieu de ces événements, explique Mme Jussy, mais il y a aussi parfois d'autres informations, comme la profession du défunt.

Elle doit composer avec les moyens du bord: parfois, des branches cachent la vue de la pierre, de la mousse couvre les inscriptions. "La nature reprend ses droits", note sa maman, qui l'aide à accéder aux inscriptions tout en respectant la sépulture.

Dans une autre partie du carré historique, qu'elle a photographiée en 2014, Pauline Jussy se rend compte que des inscriptions ont disparu, ou qu'une pierre tombale s'est cassée: "Beaucoup de tombes décrépissent, et les informations qu'elles contiennent disparaissent", constate-t-elle.

À elle donc de déchiffrer ce qui reste de lisible, avec sa mère qui recopie tout dans un carnet.

De retour chez elle, le travail de Pauline Jussy n'est pas terminé: elle transfère le contenu de son boîtier vers son ordinateur, pour télécharger les photos des tombes sur le site de l'opération.

- "Un plus" -

Elle reprend ensuite chaque inscription et procède à des vérifications dans les archives départementales, afin d'associer des éléments de biographie à la personne dont la sépulture a été photographiée.

Au total, Mme Jussy a photographié plus de 1.800 tombes anciennes en dix ans, surtout dans la région messine. Et parfois, même lorsqu'elle n'est pas en mission, elle se surprend à prendre la direction du cimetière, où l'ambiance est "calme", paisible, "loin des bruits de la ville".

Une telle opération "profitera à tous les généalogistes qui font des recherches et à tous ceux qui cherchent les tombes de leurs ancêtres", souligne Pauline Jussy.

Si l'opération permet de figer dans le temps les tombes, Mme Jussy n'est pas là pour les restaurer. Elle regrette, par ailleurs, que personne ne soit chargé d'une telle mission.

La loi prévoit, à l'exception des espaces classés aux monuments historiques, que les tombes, même lorsque les concessions sont "perpétuelles", puissent être reprises par les mairies lorsqu'elles ne sont pas entretenues et ont été laissées à l'abandon durant un certain temps.

Michèle Richard, autre utilisatrice de Geneanet, est entrée en contact avec elle quelques temps après que cette dernière a téléchargé sur la plateforme la photo d'une tombe.

Avant l'échange, cette passionnée n'avait "pas grand chose" du côté de la famille de son époux, "et la branche s'est étoffée", dit-elle. "Je me suis promise d'aller faire un tour du côté de Metz", poursuit-elle.

Au total, près de 45.000 cimetières ont été photographiés sur la plateforme collaborative dans une centaine de pays, explique à l'AFP Christophe Becker, président de Geneanet. Avec pas moins de sept millions de tombes immortalisées par 30.000 volontaires.