Dans cet espace, la rédaction d’ID n’exerce pas de droit de regard sur les informations disponibles et ne saurait voir sa responsabilité engagée.
© Shutterstock / artjazz
Info partenaire

Transition écologique : la crise sanitaire change-t-elle la donne ?

La crise sans précédent que nous traversons aujourd’hui démontre l’interconnexion des enjeux sociétaux, sociaux, économiques et environnementaux. Elle interroge les entreprises sur leur capacité à faire face à une telle crise, ainsi que sur leur utilité, leur raison d’être et leurs leviers d’action pour relever les défis auxquels est confrontée la société. Elle met aussi en évidence l’urgence pour l’Etat, l’investisseur, le consommateur, de privilégier ces entreprises dont l’activité témoigne d’un fort impact social et/ou environnemental.  

La crise du virus Covid-19 peut-elle ouvrir une nouvelle fenêtre d’opportunités pour accélérer la transition écologique ? Alors que nombreux sont ceux qui rêvent le monde d’après, cette crise sanitaire illustre encore la grande difficulté que nous avons à prendre conscience de l’impact des dérives sociétales et environnementales sur le vivant.

Les statistiques parlent d’elles-mêmes et noircissent le tableau : si la prudence doit biensûr demeurer face à la pandémie Covid-19, à l’origine de plus de 540 000 décès dans le monde jusqu’alors1, le Sida, pourtant en fort recul, a encore fait 770 000 morts en 2018, la tuberculose est toujours en progression et a provoqué 1,3 million de décès, et les accidents de la route ont coûté la vie à plus d’1,3 million de personnes.

Mais selon l’OMS, le fléau qui surpasse tous ceux-là sont les pollutions environnementales. Désormais premier facteur de mortalité dans le monde, les pollutions de l’air, des eaux, des sols, mais aussi l’exposition aux produits chimiques, le changement climatique et les radiations ultraviolettes ont provoqué plus de 12,6 millions de décès dans le monde en 2018. A elle seule, la pollution de l’air a tué 7 millions de personnes sur la même année…

Au cours des dernières semaines, des moyens d’ampleur inédite ont été mobilisés pour réagir à la crise déclenchée par le virus Covid-19, et il faut saluer les décisions rapides et massives des gouvernements et la solidarité du monde économique. Force est de constater, toutefois, que la transition écologique n’avance pas au rythme souhaité, et souhaitable, et que les mesures prises sont insuffisantes. Alors que tout nous ordonne d’agir, saurons-nous faire preuve d’un engagement à la hauteur du risque environnemental que nous courrons ?

Les scientifiques préviennent également que les conséquences du dérèglement climatique s’avèreront dramatiques si rien n’est fait. Chaque année ou presque, des records de température sont battus partout dans le monde. Si bien que, selon l’ONU en janvier dernier, la décennie écoulée a été la plus chaude jamais observée.

Sur la trajectoire actuelle des émissions de dioxyde de carbone, nous nous dirigeons vers une augmentation de la température de 3 à plus de 5 degrés Celsius d’ici la fin du siècle et, avec elle, la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes, une dégradation de la biodiversité à outrance (selon l’IPBES, notre planète est entrée dans sa 6e phase d’extinction de masse, extinction attribuable, pour la première fois, à l’Homme…), l’appauvrissement des sols agricoles et tout l’enjeu de l’alimentation qui en découle, pour ne citer que quelques impacts.

Début 2020, le Forum Economique Mondial avait d’ailleurs réalisé une cartographie des risques auxquels nos sociétés et notre planète étaient désormais majoritairement exposés : non seulement les risques de catastrophes naturelles, de perte de biodiversité, de changements climatiques, de températures extrêmes ou la crise de l’eau ont une probabilité de réalisation bien plus élevée que le risque de maladies infectieuses (dans lequel on classe le virus Covid-19), mais leur impact est également bien plus destructeur.

Chez Sycomore AM, nous sommes persuadés que la crise sanitaire n’est et ne sera pas un frein à la transition écologique. Bien au contraire, elle impose l’urgence d’agir pour plus de résilience de la société et des territoires. A s’y pencher de plus près, on assisterait même à un alignement des planètes en faveur d’une action plus forte, plus rapide pour l’environnement.

L’ENVIRONNEMENT S’INVITE AU DÉBAT PUBLIC

Petit à petit, l’idée que la sauvegarde de l’environnement est une problématique de la vie de tous les jours s’est imposée. La société civile s’empare du sujet et joue un rôle moteur dans la transition. Face à la menace du réchauffement climatique, de nombreux mouvements écologistes voient le jour, appelant les gouvernements à passer à l’action le plus vite possible. Fridays for Future, YouthStrike4Climate, Extinction Rebellion, le nombre de militants ne cesse d’augmenter. La jeune suédoise Greta Thunberg est par exemple devenue une figure emblématique du mouvement mondial pour le climat et a convaincu des milliers de jeunes à travers le monde de manifester pour porter le message écologique.

Ces milliers d’initiatives individuelles et collectives transforment les modes de vie et orientent vers plus de solidarité et de sobriété dans les habitudes de consommation. La société civile fait d’ailleurs preuve d’une exigence croissante envers les entreprises pour davantage de traçabilité et de transparence, sur les produits consommés notamment. La 14ème édition du rapport d’Accenture Strategy, « Global Consumer Pulse Research », qui analyse les réponses de près de 30 000 consommateurs dans le monde, révèle que les consommateurs sont désormais attirés par les entreprises qui s’engagent à utiliser des ingrédients de bonne qualité (80%), traitent leurs collaborateurs avec équité (64%) et oeuvrent pour le respect de l’environnement (62%).

L’essor exceptionnel du marché de l’alimentation biologique en est une bonne illustration : dans le monde, le marché des produits biologiques a quasiment quadruplé en 10 ans pour atteindre aujourd’hui les 100 milliards d’euros2. Dans la même veine, l’engouement de masse pour le vélo comme moyen de transport citadin –et ce bien avant la crise sanitaire- est le reflet d’un nouveau mode de vie, d’autant plus qu’il est très efficace en ville, un vélo roulant en moyenne à 15 km/h contre 14 km/h pour une voiture !

LES PLANS DE RELANCE FONT LA PART BELLE AUX ENJEUX DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

Face à la mise à l’arrêt de l’économie par l’épidémie, l’orientation des plans de relance inquiète : comment ces milliards d’euros seront-ils injectés et quelle place sera accordée aux enjeux environnementaux ? Scientifiques et spécialistes évaluent aujourd’hui les besoins de financement pour atteindre les Objectifs de Développement Durable (ODD) entre 5 000 et 7 000 milliards de dollars par an au niveau mondial3.

Alors que nombreux sont ceux qui se demandent si le Pacte Vert européen résistera à l’épreuve de la crise économique due à l’épidémie, la Commission européenne réaffirme que son Green Deal constitue la nouvelle stratégie de croissance de l’Union européenne. Objectif principal : parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050. S’il est pour le moment prévu de réduire les émissions de CO2 de 40% par rapport à 1990 d’ici 2030, cet objectif devrait être porté un cran au-dessus cet été, à une baisse de 50 à 55% des émissions à horizon 2030. Le vice-président de la Commission a affirmé que « l’urgence a même augmenté ». Il appelle à ne pas reconstituer l’économie du monde d’avant et confirme les engagements du Pacte Vert : 50 mesures à mettre en oeuvre au cours des 30 prochaines années pour modifier en profondeur nos modes de vie et nos façons de produire, de travailler et de consommer.

Fin mai dernier, la Commission européenne a également présenté son plan de relance économique de l’Union européenne. La « Next Generation EU » représente 750 milliards d’euros sur 2021-2024 qui viendront s’ajouter au budget européen sur la période 2021-2027, et accorde une place inédite aux enjeux de développement durable. En effet, 25% de ces 1 850 milliards d’euros seront utilisés pour apporter des financements à l’accélération de la transition écologique et prendront en compte le « do not harm », une taxonomie européenne qui veille à ne pas causer davantage de dégâts et de souffrance via une action ciblée.

Ces investissements seront fléchés en priorité sur certains secteurs spécifiques :

• 350 milliards d’euros4 seront investis pour accélérer le rythme de la rénovation de l’habitat de 1% à 3% de la construction totale (isolation, efficience des systèmes de chauffage et de climatisation, de l’éclairage, qui seraient à l’origine de 30 à 40% des émissions de CO2) ;

• 35 milliards d’euros pour soutenir le développement des énergies renouvelables (15 GW additionnels, qui représenteraient 25% de plus que la capacité installée en 2019) ;

• 5 à 30 milliards d’euros investis pour financer le développement de l’hydrogène verte, tirée de l’énergie renouvelable et non du gaz naturel ;

• 40 milliards d’euros de financement pour développer les infrastructures ferroviaires ;

• 20 milliards d’euros d’incitations à l’achat de véhicules électriques ;

• 30 milliards d’euros investis pour développer l’économie circulaire (recyclage et substitution des plastiques notamment) ;

• 130 milliards d’euros pour financer l’installation de l’Internet haut débit en zones rurales pour faciliter la digitalisation de l’agriculture et accélérer la production organique.

LES ÉNERGIES VERTES SONT DE PLUS EN PLUS COMPÉTITIVES

Ces plans de relance constituent autant d’occasions de conforter les trajectoires de transformation. D’autant plus que la production responsable tend à prouver sa rentabilité économique à moyen terme.

Preuve avec les énergies renouvelables : elles sont de plus en plus compétitives, tant pour la production électrique que pour la production de chaleur, si bien que les aides publiques n’interviennent plus comme subvention mais comme accélérateur de capacité pour renforcer les opportunités de croissance des acteurs déjà bien avancés sur la courbe d’expérience des énergies renouvelables. A titre d’exemple, le groupe espagnol Solaria s’est spécialisé dès 2002 dans la conception, la fabrication et l’installation de solutions pour les systèmes photovoltaïques et thermiques. Il dispose aujourd’hui d’un portefeuille de projets bien rempli et de nombreux points de connexion au réseau qui lui confèrent un avantage comparatif indéniable.

Les progrès technologiques et l’industrialisation ont en effet amené ces filières, les plus matures, à des niveaux très concurrentiels par rapport aux moyens de productions d’énergie conventionnels. Dans le monde, leurs coûts de production baissent d’année en année. D’après les données recueillies par l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) sur quelque 17 000 projets en 2019, depuis 2010, le coût de l’énergie a baissé de 82% pour le solaire photovoltaïque, de 39% pour l’éolien terrestre et de 29% pour l’éolien offshore. Cela incite bien sûr les Etats à poursuivre et à multiplier les projets « verts » pour encourager ces avancées. D’ailleurs, après avoir temporisé au cours des premières semaines de la crise, les grands fonds d’investissement européens dédiés à la transition énergétique, comme celui de la Caisse des Dépôts, sont de nouveau en ordre de marche, prêts à financer les meilleurs dossiers.

LE FINANCEMENT DE LA TRANSITION DOIT ÊTRE PORTÉ PAR TOUS LES SECTEURS DE L’ÉCONOMIE

Au-delà des incitations, des réglementations ou de l’offre, l’accélération de la transition écologique ne pourra se concrétiser sans un changement profond des comportements, des entreprises, des particuliers et des investisseurs. Heureusement, de nombreuses entreprises sont depuis longtemps très actives en la matière et montrent la voie, quand d’autres s’appliquent à prendre ce virage, à la fois pour participer à l’effort commun vers une mutation écologique vitale, mais aussi pour répondre aux nouvelles attentes de leurs clients.