"On nous dit d'attendre, alors on attend": Florence Carlos admire depuis le portail les allées du Parc Floral, toujours fermé comme tous les parcs et jardins de Paris, au centre d'un bras de fer entre le gouvernement et la maire de la capitale.
"Quelque part, ça nous manque (...) de marcher, regarder les fleurs, les plantes, la verdure, la nature", confie Mme Carlos, 63 ans, tandis qu'à quelques chemins d'elle, des groupes affluent au bois de Vincennes (est de Paris), rouvert lundi, pour jouer sur l'herbe, bronzer à la faveur d'une après-midi clémente.
Assise sur un banc devant l'entrée du Parc Floral, la sexagénaire, admire le paysage de loin et regrette la "promenade, (parce que) ça fait du bien", "ça aide à s'évader" et "ça change de la maison".
Mais, comme les plus de 2 millions de Parisiens, elle devra attendre le feu vert du gouvernement, qui continue de balayer d'un revers de la main les demandes réitérées de la maire PS de Paris, Anne Hidalgo, de rouvrir les parcs et jardins de la capitale.
Convaincue que leur accès relève d'"une question de santé publique", l'édile s'étonne qu'on puisse "prendre le métro mais pas marcher dans un parc".
"Ne pas laisser les Parisiens aller dans les parcs et jardins ça veut dire les laisser s'agglutiner sur les trottoirs et dans la rue", insiste auprès de l'AFP son adjointe aux Espaces verts, Pénélope Komitès.
Preuve s'il en faut: depuis le déconfinement lundi, les forces de l'ordre sont intervenues à plusieurs reprises pour évacuer les quais du Canal Saint-Martin et les escaliers du Sacré Coeur, où des dizaines de Parisiens célébraient leurs retrouvailles sans respecter les règles sanitaires.
"Paris est situé en zone rouge", a rappelé mercredi la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, au lendemain d'un refus ferme du ministre de la Santé.
"Ces parcs - et on l'a vu avec ce qui s'est passé sur les berges du Canal Saint-Martin - peuvent favoriser les regroupements de personnes, les croisements de flux, a ajouté jeudi le secrétaire d'Etat Laurent Nuñez sur LCI. Et donc, dans la période actuelle, cette réouverture serait synonyme de danger sanitaire. C'est pour cela qu'ils sont interdits à ce stade jusqu'au 2 juin, nous verrons après."
- "Des enfants sages" -
Jeudi, dans un courrier adressé au Premier ministre, 24 maires de Seine-Saint-Denis ont demandé que la réouverture des parcs soit laissée à l'appréciation des élus locaux. "Nos grands parcs ne sont pas bondés car il y a suffisamment d'espace pour tout le monde", insistent les élus, au lendemain de l'autorisation par le préfet de réouvrir le parc Georges Valbon (ou parc de La Courneuve), à titre expérimental.
"Pourquoi ce qui est apparemment opportun en Seine-Saint-Denis ne le serait pas à Paris ?", interroge Pénélope Komitès.
"Les Parisiens sont tout à fait capables de comprendre (...) et suffisamment intelligents pour respecter les gestes barrières", insiste l'élue.
Depuis une dizaine de jours, la mairie de Paris propose au gouvernement de n'ouvrir que les parcs et jardins qui ne disposent pas d'aires de jeux pour les enfants (soit 160 sur 400 environ) et les neuf grands parcs (Montsouris, Monceau, Buttes-Chaumont, entre autres).
Pour éviter tout attroupement, elle suggère de n'autoriser que les promenades, interdire les pique-niques, rendre obligatoire le port du masque et limiter le nombre de personnes à l'intérieur au même moment.
"On y a droit comme tout le monde", souffle Christian Drouot, 66 ans. "Si ça se passe bien, on aura plaisir à aller gambader", souffle le jeune retraité, qui au cours de ses dernières balades, sur des allées à l'abri des regards, s'est émerveillé en regardant "des lilas, la glycine, les fleurs pousser".
A la faveur du confinement, de la diminution de bruit et de pollution, paons, insectes, papillons, hirondelles, abeilles, fauvettes, pinsons et bernaches ont repris toute leur place au milieu d'un Parc Floral, déserté.
Un spectacle qu'envie Christian Drouot, mais "ce sera pour plus tard, si on le mérite". Et pour cela, suggère-t-il, "il faut être des enfants sages".