Panne, vétusté, rames surchargées: le RER B, deuxième ligne de trains de banlieue la plus fréquentée d'Europe est "une source de stress" et de "discrimination à l'emploi", assurent élus et usagers franciliens qui vont devoir s'armer de patience pour obtenir des améliorations.
Pour se rendre au travail, Christelle Raffin, habitante de Livry-Gargan en Seine-Saint-Denis, emprunte le RER B, "sa seule option" pour rejoindre Paris sans passer par la route.
"Dix-huit ans de galère et de stress", confie la quadragénaire.
Le RER (Réseau express régional) est "imprévisible, on ne peut pas se fier aux horaires. Je subis des remarques désobligeantes au travail", assure cette assistante de direction qui avait dû quitter un précédent emploi en raison de ses retards à répétition et dissimuler "honteusement" son adresse sur son CV.
Son trajet entre sa commune et Gare du Nord peut passer de "25 minutes à six heures".
A l'arrêt suivant, Susel Sur, femme de ménage à Paris, peste sur le quai après l'annonce par la SNCF d'une panne de signalisation à Aulnay-sous-Bois. "Ce n'est pas croyable, mes employeurs en ont ras-le-bol! Il y a toujours un problème même le week-end", s'emporte la Cubaine qui en est à sa cinquième année de "galère".
"Avant la crise du Covid, le RER B c'est un million de passagers par jour", dit Bernard Gobitz, vice-président de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports d'Ile-de-France (Fnaut).
"Les rames ont une quarantaine d'années et sont déjà usées. Elles tombent souvent en panne et ne sont pas climatisées. Il est urgent de renouveler le matériel", implore-t-il.
La ligne B qui traverse l'axe Nord-Sud de l'Ile-de-France est "la priorité absolue", affirme la présidente de la région Ile-de-France Valérie Pécresse (Libres!).
En ce sens, la Région a commandé - au canadien Bombardier et à l'espagnol CAF - 146 nouvelles rames dont les premières sont attendues fin 2025, pour 2,56 milliards d'euros.
Altsom, dont l'offre était plus chère de 600 millions d'euros, avait été écarté.
Mais le constructeur français a finalement racheté Bombardier fin janvier et décidé de retirer l'offre, la jugeant trop risquée techniquement et financièrement.
- Un train sur cinq en retard -
"Alstom est en position de quasi-monopole et pratique des méthodes de voyous au détriment des usagers, c'est scandaleux", s'indigne M. Gobitz.
Contacté par l'AFP, Alstom n'a pas donné suite.
Transilien, RER, tramway... la Région est le plus gros client d'Alstom avec plus de 20 milliards d'euros de commandes.
"On les a +gavés+ et ils espèrent soutirer encore de l'argent, ils jouent la montre", critique un membre du conseil d'administration d'Ile-de-France Mobilités.
Mme Pécresse a assuré qu'elle ne céderait pas: "l'offre n'est pas sous-tarifée. Nous avons rappelé Alstom à son obligation d'exécuter le contrat sous peine de poursuite judiciaire".
Mais tout retard pris sera répercuté sur la livraison des rames, qui seront partiellement à double niveau avec une capacité augmentée de 20%. Si un deuxième appel d'offres est lancé, il faudra compter deux ans d'attente, soit 2027, indique la Fnaut.
Une hérésie pour les élus de droite comme de gauche des communes traversées par le RER.
Depuis des années, dans un front commun, ils dénoncent la dégradation de cette ligne qui dessert notamment l'aéroport de Roissy, le Stade de France et le centre de Paris.
Cette ligne est vectrice de "discrimination à l'emploi", assurent les élus.
L'ancien maire PCF du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis), Didier Mignot, avait déposé plainte au nom de sa ville contre la SNCF et la RATP aux motifs de "discrimination territoriale" et "rupture d'égalité entre les usagers du service public des transports".
Avec un train sur cinq en retard, le RER B est loin de l'objectif de 94% de ponctualité promis par la SNCF.
Et les déboires du RER ne sont pas près de s'arrêter.
Le chantier du CDG Express - un train rapide devant relier le centre de Paris à l'aéroport de Roissy, moyennant 24 euros -, prévu pour 2025, perturbe la ligne.
Pour les élus communistes, avec en tête de file Marie-Gorges Buffet, c'est la goutte d'eau de trop: "le train des riches" sera achevé avant l'amélioration du RER B, craint la députée de Seine-Saint-Denis.
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