Pac à la française: ce qui fâche les organisations écologistes et paysannes

Des agriculteurs biologiques qui posent nus sur les réseaux sociaux, une manifestation de la Confédération paysanne jeudi: des organisations favorables à un "virage agroécologique" de l'agriculture dénoncent la répartition des aides de la future politique agricole commune (Pac) européenne envisagée par la France.

Ces organisations, rassemblées dans le collectif Pour une autre Pac (Fédération nationale d'agriculture biologique, Confédération paysanne, WWF France, Greenpeace...), ont quitté vendredi une réunion avec le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie, dénonçant un "statu quo irresponsable".

Tour d'horizon des principaux griefs.

L'agriculture biologique se considère abandonnée

"La nouvelle Pac va nous laisser à poil", martèle la Fédération nationale d'agriculture biologique (Fnab). Sur Twitter, elle partage des photos d'agriculteurs posant nus dans leur exploitation, le sexe dissimulé par des pancartes.

Dans la future Pac, le ministère entérine la disparition d'aides spécifiques à l'agriculture bio pour les agriculteurs déjà convertis à ce mode de production. Le ministère juge que le marché est déjà suffisamment rémunérateur. Seules les conversions vers le bio seront subventionnées, pour 340 millions d'euros par an.

"La communication sur une enveloppe augmentée pour les paysans conventionnels qui veulent se convertir à la bio n'est que poudre aux yeux, ce budget est fictif et ne sera jamais dépensé, personne n'ira se convertir sans soutien durable", affirme dans un communiqué Loïc Madeline, secrétaire national de la Fnab chargé de la Pac.

L'organisation appelle à une mobilisation le 2 juin à Paris.

Un verdissement pas assez ambitieux

L'une des principales nouveautés de la prochaine Pac (période 2023-2027) est un "écorégime" qui subordonne le versement de plus ou moins un quart des aides directes (soit 1,6 milliard d'euros par an) à des pratiques vertueuses pour l'environnement.

Le ministre défend un système "inclusif" qui laisse peu d'agriculteurs sur le bord de la route: cela subventionnera ceux qui maintiennent des prairies permanentes, plantent des haies, préservent des zones humides...

Dans le nouveau système, les agriculteurs biologiques bénéficieront d'aides plus élevées, mais au même titre que ceux certifiés Haute valeur environnementale (HVE), une norme française associée par ses détracteurs à un label de "greenwashing", ou verdissement de façade.

Créée par le ministère de l'Agriculture, la HVE encourage et reconnaît les efforts des exploitations agricoles pour augmenter la biodiversité ou gérer l'eau, sans interdire l'utilisation de pesticides et engrais de synthèse.

Dans une note publiée en mars, l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) estime "qu'en l'état actuel de son cahier des charges, cette certification ne peut prétendre accompagner une réelle démarche de transition agroécologique".

"Un dispositif HVE défaillant affaiblit l'ensemble du dispositif d'écorégime, en ouvrant une brèche dans les exigences environnementales pour accéder aux aides publiques", ajoutent les chercheurs. Ils jugent "important de soutenir spécifiquement les certifications ayant une réelle valeur ajoutée environnementale démontrée, et notamment l'agriculture biologique et l'élevage extensif".

Les petits exploitants oubliés?

Les syndicats agricoles Confédération paysanne et Modef, respectivement troisième et quatrième organisations de la profession, plaidaient pour plafonner les aides aux grandes exploitations, instaurer une aide aux petits agriculteurs et revaloriser le paiement sur les premiers hectares pour soutenir les petites et moyennes exploitations. Ils n'ont pas été entendus.

Le choix d'une certaine stabilité dans la répartition de l'enveloppe de la Pac "fige des équilibres actuels injustifiables, sonne comme un mépris et un affront pour de nombreux paysans et paysannes", dénonce mercredi la Confédération paysanne dans une lettre ouverte au président Emmanuel Macron.

"Ce n'est ni plus ni moins que l'arrêt de mort de l'agriculture paysanne et un chèque en blanc pour le développement de l'agriculture industrielle sur tous les territoires", ajoute le syndicat.

Il prévoit de se mobiliser jeudi à Paris, à une adresse qui n'a pas été dévoilée.

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