Les salariés de l'IRSN, l'organisme expert de la sûreté nucléaire en France, ont de nouveau manifesté contre le démantèlement de leur établissement lundi à proximité de l'Assemblée nationale qui entamait l'examen du projet de loi sur l'accélération du nucléaire.
Venus de Cadarache (Bouches-du-Rhône), Cherbourg (Manche) ou d'Ile-de-France, 800 agents (selon la police) ont défilé jusqu'à l'esplanade des Invalides, entre sifflets et des sirènes, chantant "40 ans pour construire, 4 semaines pour détruire, de l'IRSN défendons l'avenir".
Sur fond de projet de nouveaux réacteurs, l'exécutif a annoncé le 8 février la disparition de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et sa fusion au sein de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), chargé de contrôler les centrales, l'une des mesures du projet de loi.
Cette réforme, qui vise à "fluidifier" le processus de décision, est contestée par le personnel de l'IRSN mais aussi des spécialistes du sujet et des élus et ex-élus de bords variés qui s'alarment des conséquences sur la transparence, la qualité et l'indépendance de l'expertise.
"Cette réforme, quoi qu'il arrive, échouera", a assuré lundi aux manifestants l'ancien directeur de l'IRSN (2003-2016), Jacques Repussard, car elle a été faite "sans préparation, ni concertation avec les personnels concernés", et elle fera perdre de l'indépendance à la future ASN fusionnée.
In fine, "si elle est menée à bien, il est probable qu'un jour il y aura une nouvelle réforme suite à un pépin, dont il faut espérer qu'il ne sera pas trop grave", a mis en garde M. Repussard, aujourd'hui président de l'Institut pour la maîtrise des risques.
"L'IRSN un bien commun pour tous les Français", "la relance du nucléaire au mépris de la sécurité", lisait-on sur les pancartes.
Parmi les manifestants, dont c'était le 3e jour de grève, Stéphane Evo, responsable à l'IRSN du Service d'évaluation de la sécurité vis-à-vis des actes de malveillance, disait son inquiétude: quel sort pour son service, dont l'objet - la "sécurité" (les menaces extérieures) - n'est pas du ressort de l'ASN, mais qui recourt aux compétences des experts de la sûreté?
"On craint de ne plus pouvoir remplir notre mission", a-t-il dit.
Des représentants du personnel d'autres organismes du nucléaire (Andra, CEA, EDF..) étaient venus soutenir les quelque 1.750 salariés de l'IRSN.
Comme Clarisse Delalondre, secrétaire CGT de la Recherche à EDF : "L'IRSN doit rester indépendant. On a besoin de plus de recherche, et de pouvoir se confronter, scientifiquement, techniquement. On ne peut jouer avec le nucléaire".
L'intersyndicale de l'IRSN devait être reçue lundi soir par un membre du cabinet de la Première ministre Elisabeth Borne.