Nucléaire: le projet de loi d'accélération arrive en terrain conquis au Sénat

Pas de répit pour Agnès Pannier-Runacher: le projet de loi d'accélération des énergies renouvelables à peine voté en première lecture, la ministre de la Transition énergétique va défendre, à partir de mardi, en terrain favorable au Sénat, un texte pour relancer le nucléaire.

Le président Emmanuel Macron a annoncé son intention de construire six nouveaux réacteurs, et, pour le gouvernement, "il est essentiel" que ce projet de loi "aboutisse avant la fin du premier trimestre 2023".

Le chef de l'Etat a également souhaité que soient lancées les études pour la construction de huit autres réacteurs.

Conjuguée au développement des énergies renouvelables, cette relance d'une politique nucléaire "ambitieuse et durable" doit répondre à la fois aux besoins de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de souveraineté énergétique.

Le projet de loi vise à "gagner du temps" en simplifiant les procédures administratives. Il faut que ces procédures n'entravent pas "le chemin d'une construction des EPR (réacteurs de nouvelles générations, NDLR) à horizon 2035-37", a justifié la ministre de la Transition énergétique, auditionnée par les sénateurs.

Il s'agit aussi de tenter de réduire les coûts. "Il est important que le coût de ce nouveau programme soit compétitif, ce qui est beaucoup plus facile à dire qu'à faire: les énergies renouvelables ont un coût de sortie de 60 à 80 euros (le MWh) et c'est dans ce niveau de prix qu'il faudrait pouvoir avoir un prix du nucléaire", a-t-elle dit.

Concernant le calendrier, "l'objectif de la première coulée de béton, qui est très ambitieux, c'est d'ici la fin du quinquennat, donc 2027".

Installés sur les sites de centrales existantes, les deux prochains EPR devraient être implantés à Penly (Seine-Maritime), suivis de deux autres à Gravelines (Nord), selon les plans d'EDF.

- "Cohérence" -

Au Sénat, dominé par la droite, la seule difficulté que risque de rencontrer Agnès Pannier-Runacher est de devoir freiner les appétits de la majorité sénatoriale. "On est très en retard sur le nucléaire", déplore la présidente LR de la commission des Affaires économiques Sophie Primas.

Ce texte "est nécessaire si on veut (...) avoir une énergie suffisante à un prix accessible et décarbonée, et une énergie pilotable", a déclaré le rapporteur Daniel Gremillet (LR) à l'AFP.

Les sénateurs regrettent cependant que les textes leur soient soumis "à l'envers". Pour eux, c'est le projet de loi de programmation énergétique, fixant les trajectoires de la France dans chaque énergie, qui aurait dû arriver en premier, avant les deux textes techniques sur les renouvelables et le nucléaire. La ministre "espère" qu'il pourra être présenté en juin.

En commission, les sénateurs ont pris les devants pour donner une dimension plus "politique" au texte.

Ils ont ainsi supprimé l'objectif passé de réduction à 50% de la part du nucléaire dans la production d'électricité d'ici 2035, et imposé la révision du décret prévoyant la fermeture de 12 réacteurs, hors les deux de Fessenheim.

Des amendements de "cohérence, qui donnent une lisibilité de l'action à moyen et long termes", pour le rapporteur.

La France, qui tire du nucléaire environ 70% de son électricité, avait décidé en 2015 de diversifier son approvisionnement en fermant 14 de ses 58 réacteurs, avant un revirement annoncé par le président fin 2021.

Les sénateurs ont en outre adopté une série d'amendements sur "deux axes majeurs: simplifier et sécuriser". Il s'agit en particulier d'intégrer les risques liés au changement climatique dans la démonstration de sûreté des réacteurs et la cyber-résilience dans leur protection contre les actes de malveillance.

Gouvernement et majorité sénatoriale vont quand même trouver sur leur chemin les sénateurs écologistes, pour qui "ce nouveau nucléaire va à contresens de l'histoire", selon leur chef de file Daniel Salmon.

Les écologistes défendront une motion de rejet d'emblée du texte, qui met les parlementaires devant le "fait accompli", alors qu'un débat public sur la construction de nouveaux réacteurs nucléaires n'est pas terminé.

Un vote solennel sera organisé le mardi 24 janvier dans l'hémicycle du Sénat, puis le projet de loi ira à l'Assemblée nationale.

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