Nucléaire: feu vert à la prolongation de 10 ans d'une partie du parc français

EDF va pouvoir prolonger au-delà de 40 ans ses réacteurs de 1.300 mégawatts (MW) après le feu vert de l'Autorité de sûreté qui intervient alors que le gouvernement a acté la relance de la filière et que le débat fait rage autour de la stratégie énergétique de la France.

La décision de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) concerne les vingt réacteurs de cette puissance, dont les plus anciens auront 40 ans à partir de l'an prochain, sur un parc de 56 réacteurs au total.

"L'ensemble des dispositions prévues par EDF et celles qu'elle prescrit ouvrent la perspective d'une poursuite de fonctionnement de ces réacteurs pour les dix ans qui suivent leur quatrième réexamen périodique", explique-t-elle dans une note d'information datée du 1er juillet et rendue publique jeudi.

Les travaux s'étaleront jusqu'en 2040 pour les derniers réacteurs, précise-t-elle.

"L'ambition fixée par EDF, dans le cadre de la poursuite du fonctionnement pour dix ans supplémentaires de ses réacteurs, est de faire tendre leur niveau de sûreté vers celui d'un réacteur de type EPR", a réagi le géant français du nucléaire.

"Les investissements nécessaires à ce 4e réexamen, estimés à 6 milliards d'euros, sont intégrés dans le cadre du programme global de Grand Carénage", le programme industriel de rénovation et de modernisation des centrales nucléaires existantes, a-t-il ajouté.

Les premières visites décennales au-delà de 40 ans de ces réacteurs débuteront l'année prochaine. Le premier réacteur concerné sera celui de Paluel (Seine-et-Maritime) début 2026, a précisé EDF auprès de l'AFP.

Les vingt réacteurs de 1300 MW d'EDF sont, outre Paluel, répartis sur les sites de Belleville (Cher), Cattenom (Moselle), Flamanville (Manche), Golfech (Tarn-et-Garonne), Nogent (Aube), Penly (Seine-Maritime) et Saint-Alban (Isère).

Cette annonce intervient quelques semaines après la signature par le gouvernement du contrat de filière nucléaire pour la période 2025-2028, qui acte la relance de l'atome en France et le programme EPR2 de construction de six nouveaux réacteurs de grande puissance. La mise en service du premier de ces réacteurs a été repoussé en mars de 2035 à 2038.

- Souveraineté énergétique -

La relance du nucléaire, qui devra être inscrite dans la prochaine Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), consacre la rupture avec la précédente adoptée en 2020, qui actait notamment la fermeture de 14 réacteurs, dont les deux de Fessenheim.

Elle intervient dans un contexte de débat tendu autour du futur énergétique de la France, avec une opposition frontale des partisans du tout nucléaire aux énergies solaires et éolienne au motif qu'elles coûteraient trop cher à la collectivité.

Dans une tribune dans le Figaro mercredi, le ministre de l'Intérieur et président des Républicains (LR) Bruno Retailleau et deux responsables du parti, se sont prononcés pour une priorité absolue au nucléaire et contre le soutien public à l'éolien et le photovoltaïque, qui selon eux "n'apportent au [bouquet] énergétique français qu'une intermittence coûteuse à gérer".

Cette sortie a été vertement critiquée par d'autres membres du gouvernement et la filière des énergies renouvelables, pour qui renoncer à l'éolien et au solaire revient à maintenir la dépendance énergétique de la France vis-à-vis de l'étranger.

"Croire que sortir de la dépendance aux énergies fossiles et aux pays qui les produisent peut se faire en abandonnant les énergies renouvelables et en mettant au chômage les salariés de leurs filières, est une vue de l'esprit - et une position frontalement opposée à la ligne du gouvernement", a ainsi affirmé Marc Ferracci, le ministre de l'Industrie.

S'en remettre au seul nucléaire "est en réalité un renoncement à l'électrification donc à la sortie des énergies fossiles avec à la clé le maintien de nos dépendances" vis-à-vis de l'étranger, qui coûtent chaque année 60 milliards d'euros à la France, a aussi estimé Jules Nyssen, le président du Syndicat des énergies renouvelables (SER).