Nez qui coule et yeux rouges: les allergies, autre facette d'un climat plus chaud

Les patients éternuent, les médecins parlent d'une situation de "crise": les allergies explosent, alimentées par un changement climatique qui favorise la prolifération des pollens pendant des périodes qui s'allongent.

"Je suis sous antihistaminiques mais si je ne les prends pas, j'ai les yeux qui grattent, je suis très fatigué, je tousse" et "je ne dors pas la nuit", témoigne Simon Barthelemy, quadragénaire qui réside près de Paris.

"La première fois c'était chez des clients qui avaient des bouleaux, j'ai eu une grosse allergie aux yeux, et depuis c'est récurrent chaque année", raconte l'architecte.

De l'ordre de 20% des enfants à partir de 9 ans et de 30% des adultes sont désormais concernés par les allergies, selon le ministère de la Santé. Des chiffres "en augmentation ces dernières années dans les pays industrialisés".

La prévalence des allergies respiratoires a été multipliée par trois en 30 ans, selon les allergologues. En Europe, la moitié des adultes pourraient en souffrir d'ici 2050, selon l'Organisation mondiale de la santé.

"On est en crise parce que les allergies explosent", avertit Séverine Fernandez, allergologue à La Ciotat (Bouches-du-Rhône) et présidente du Syndicat français des allergologues.

"Avant, un allergique restait avec ce qu'on appelle couramment un rhume des foins pendant des années, alors que maintenant cette personne peut devenir asthmatique un ou deux ans après", remarque la spécialiste.

- "Floraisons plus précoces"-

Pour elle, le lien avec le changement climatique est "évident" alors que "les pollens augmentent et sont plus agressifs qu'avant", en lien également avec la pollution.

Ils sont aussi présents plus longtemps dans l'année. "Le fait que l'hiver soit plus doux et que l'été perdure plus longtemps fait que la saison pollinique est plus longue", remarque Salomé Pasquet, de l'Association des pollinariums sentinelles.

Ces pollinariums sont des jardins, où sont plantées les principales espèces allergisantes des environs dans certaines villes. Ils permettent d'informer des tout premiers pollens libérés dans l'air pour que les personnes sensibles puissent commencer leur traitement le plus tôt possible, et représentent donc un poste d'observation privilégié.

"Le noisetier c'est dès la mi-décembre ces dernières années, ce qui n'était pas le cas avant et ça c'est vraiment parce que l'hiver est très doux, du coup les floraisons sont plus précoces", rapporte la botaniste.

A cette évolution saisonnière s'ajoute les concentrations plus importantes dans l'atmosphère de CO2, nutriment des plantes, qui favorise la production des pollens.

"Il y a un effet du changement climatique, c'est une évidence", abonde Nicolas Visez, aérobiologiste à l'université de Lille.

Mais "on ne peut pas généraliser car chaque plante a sa propre réaction aux quantités d'eau, au CO2 atmosphérique, aux températures", souligne-t-il. Ainsi les bouleaux vont dépérir avec des étés de plus en plus chauds et secs quand l'ambroisie, plante invasive hautement allergisante, prolifère.

Dans une étude parue en 2017, des chercheurs concluaient déjà que l'allergie à l'ambroisie allait devenir un problème de santé "courant" en Europe et s'étendre "à des régions où elle est actuellement rare", en grande partie sous l'effet du changement climatique.

- Diversifier les espèces -

La lutte contre cette plante envahissante figure parmi les priorités, avec aussi un meilleur choix des plantations à l'avenir, pour privilégier des espèces au potentiel allergisant plus faible, comme l'érable ou des arbres fruitiers.

Au Japon, le gouvernement a annoncé en 2023 un plan pour lutter contre les allergies causées par les nombreux cèdres de l'archipel. Son plan prévoit notamment l'abattage d'arbres pour les remplacer par des espèces produisant moins de pollen.

En France, nombre de municipalités, comme Nantes, commencent à être sensibilisées et "de plus en plus cette variable du potentiel allergisant entre en compte dans les nouvelles plantations", souligne Salomé Pasquet.

"Il n'est pas question d'arrêter de planter des espèces allergisantes" mais surtout de "diversifier", pour éviter "des endroits où il y ait des alignements de bouleaux comme ça a pu être fait il y a quelques années", explique-t-elle.