Neuvième groupe à l'Assemblée: la majorité met la pression

Partiront, partiront pas? Alors que l'annonce d'un neuvième groupe à l'Assemblée nationale, composé de dissidents LREM à l'aile gauche, semble imminente, les critiques montent dans la majorité et la pression s'accentue.

Tout est prêt ou presque pour un lancement mardi du groupe "Ecologie démocratie solidarité", en gestation depuis plusieurs mois: son inscription "ni dans la majorité, ni dans l'opposition", son encadrement... Deux ex-"marcheurs", Matthieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot, et Paula Forteza, devraient en tenir la barre.

Autour d'eux, sont pressentis des députés encore membres du groupe majoritaire, tels Cédric Villani, candidat en rupture aux municipales à Paris, et Aurélien Taché, qui a annoncé ce week-end quitter un mouvement présidentiel dérivant selon lui "vers la droite".

Avec ces départs - une petite dizaine qui tend à se réduire - le groupe LREM de Gilles Le Gendre risque de perdre la majorité absolue à l'Assemblée nationale, ou de ne la conserver qu'à une voix près.

En juin 2017, les députés LREM et apparentés étaient 314. Entre défections et exclusions, ils ne sont plus que 295, tandis que la majorité absolue est à 289 sièges.

Comptant 15 à 20 membres, le 9e groupe - un record dans une Assemblée balkanisée - doit agréger en outre l'ancienne ministre PS de l'Ecologie Delphine Batho.

Mais ce lundi, "il y a beaucoup de pressions sur les membres potentiels du groupe, notamment venant du gouvernement ou des cadres du groupe LREM", rapporte à l'AFP un élu travaillant sur sa constitution.

Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a dénoncé sur France Info des "grenouillages" au Palais Bourbon, pas à la hauteur des enjeux post-crise du coronavirus selon lui.

"Je regrette que certains veuillent rétablir un clivage gauche-droite que nous avons voulu dépasser en 2017 et que les Français ont voulu dépasser", a aussi taclé cet ex-LR.

- "Chapelle" et "individualisme" -

"C'est maintenant qu'il faut se retrousser les manches et travailler ensemble, réfléchir, y compris avoir des désaccords, (...) c'est ça la clé pour demain reconstruire notre pays", a dénoncé dimanche le patron de LREM, Stanislas Guerini, taxant au passage Aurélien Taché d'"individualisme".

Des députés tombent déjà à bras raccourcis sur leurs collègues vus comme des déserteurs. "On ne peut pas créer sa chapelle ou son courant et expliquer qu'on est derrière le président", juge Jean-Baptiste Moreau, qui les appelle à "remettre (leur) mandat" entre les mains de leurs électeurs.

D'autres relativisent, comme l'ancien président de l'Assemblée et ex-ministre François de Rugy, issu des rangs écologistes: "s'ils apportent des idées, tant mieux" et "on continuera à travailler ensemble", a-t-il déclaré lundi à Franceinfo.

Et selon lui, "ce qui compte, c'est que la majorité ait une capacité à travailler à l'Assemblée nationale avec les autres groupes". Les alliés MoDem et Agir seront précieux pour assurer les votes.

La porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye avait épinglé la semaine dernière dans la démarche du 9e groupe "un contresens politique".

Emmanuel Macron, qui a oscillé depuis le début du quinquennat entre cajoleries et coups de semonce à l'égard de sa majorité remuante, avait prévenu dès 2018 que "les tireurs couchés d'un jour finissent abattus avec les autres".

Quelle va être la réaction de l'exécutif en cas de concrétisation de ce 9e groupe? Le Premier ministre n'est "pas inquiet de perdre trois frondeurs", qui "de toute façon s'abstenaient ou ne participaient pas aux votes" qui les gênaient, glisse une source parlementaire.

Elle assure qu'Edouard Philippe "peut être chef de la majorité sans avoir la majorité absolue". Sous François Hollande, le groupe PS l'avait perdue dès janvier 2015...

Du côté de la direction du groupe LREM, on affirme ne pas voir de "bouleversement". Mais Gilles Le Gendre serait automatiquement fragilisé.

La période est propice aux initiatives pas forcément amicales: selon des sources parlementaires, l'ex-chiraquien Hugues Renson et l'ex-EELV Barbara Pompili oeuvrent à lancer un courant social-écolo "En Commun", en interne.