NDDL: la négociation sur les terres agricoles s'annonce longue et complexe

Avec l'abandon du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, que vont devenir les 1.650 hectares de la ZAD? Même pas lancée, la négociation sur l'avenir des terres agricoles pilotée par l'Etat s'annonce longue et complexe, entre défenseurs d'un mode de gouvernance traditionnel et partisans d'un projet collectif et alternatif.

"Une concertation apaisée et constructive" : c'est l'objectif fixé par la préfète de la région Pays-de-la-Loire, Nicole Klein, qui doit rencontrer "dans les semaines à venir" des représentants agricoles, les élus concernés et les associations d'opposants à l'ex-projet aéroportuaire.

Elle dirigera ensuite le comité de pilotage chargé d'élaborer le futur projet agricole et de préciser "les modalités de transfert du foncier", dont l'Etat est actuellement le seul propriétaire.

Les discussions s'annoncent âpres: la chambre d'agriculture de Loire-Atlantique, soutenue par trois syndicats agricoles (FNSEA, Jeunes agriculteurs, Coordination rurale) et les exploitants représentant "75% des surfaces impactées", refuse que la gouvernance lui échappe.

"La chambre d'agriculture est légitime, on a l'expertise et l'expérience. (...) On ne veut pas se retrouver avec des gens qui ne sont pas reconnus, qui n'ont rien à faire là. Si c'est la volonté de l'Etat, ce sera sans nous", prévient son président, Jacques Lemaître.

L'exemple du Larzac, où l'Etat avait confié la gestion des terres à une société civile, un modèle brandi par l'eurodéputé écologiste José Bové et par certains militants anti-NDDL, "c'est de l'enfumage!", tonne M. Lemaître.

De son côté, le mouvement anti-aéroport veut défendre sa volonté de prendre en charge l'usage des terres "sauvées du bétonnage" pour y faire perdurer "une agriculture paysanne bio, pourvoyeuse d'emplois et à l'échelle humaine", souligne Vincent Delabouglise, membre de Copain 44, un collectif de six organisations agricoles anti-aéroport, dont fait partie la Confédération paysanne.

"Ce qu'on craint le plus, c'est que ce territoire parte à l'agrandissement des fermes existantes si on laisse la chambre d'agriculture maître de la redistribution des terres", ajoute-t-il.

- Rétrocession -

Première urgence pour le mouvement anti-aéroport: obtenir un "gel immédiat" et pendant deux ans de l'attribution des terres avec des conventions d'occupation annuelles, pour laisser le temps à de nouveaux projets d'installation de prendre forme. Ce délai doit servir aussi à "trouver une solution technique pour faire perdurer tout ce qui s'invente sur la ZAD", dont les projets alternatifs, indique Vincent Delabouglise.

En déplacement sur la ZAD le 26 janvier, la préfète n'avait pas fermé la porte au maintien d'activités initiées par des occupants illégaux, tant que ceux-ci "(rentraient) dans les règles", c'est-à-dire cotisaient à la mutualité sociale agricole, payaient un fermage, l'eau, l'électricité.

Selon Copain 44, six projets d'installation sur la ZAD - production de lait, maraîchage, boulangerie, brasserie, élevage de moutons et activité de plantes médicinales - sont "en voie d'officialisation".

Reste l'inconnue de la future propriété des terres. Les agriculteurs expropriés pourront, dès cette fin de semaine, avec l'expiration du décret qui déclarait d'utilité publique le projet d'aéroport, demander la rétrocession de leurs terrains, maisons et bâtiments d'exploitation.

Première interrogation: le conseil départemental de Loire-Atlantique, qui avait préempté 895 hectares avant de les céder à l'Etat et au concessionnaire en 2012, fera-t-il valoir ce droit comme tout ancien propriétaire? Sa position n'est pas arrêtée à l'heure actuelle.

Représentant une surface bien moindre (150 à 200 hectares), un groupe d'une trentaine d'ex-propriétaires, en lutte contre le projet d'aéroport, et qui avait refusé de vendre à l'amiable, a déjà engagé il y a un an une procédure de rétrocession devant le juge de l'expropriation à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique).

"Si un accord est trouvé avec l'Etat pour que les parcelles soient confiées à une société civile, on peut se désister. Si on maintient la procédure, il faudra raisonnablement compter un an pour retrouver un titre de propriété", indique l'un de leurs avocats, Etienne Boittin.

D'autres anciens propriétaires ayant vendu leurs terres après 2008 pourraient également les récupérer, mais devront rendre leurs indemnités d'expropriation.

Seulement après cette étape, l'Etat pourra engager la "cession progressive du foncier de Notre-Dame-des-Landes", comme l'avait affirmé le Premier ministre Edouard Philippe le 17 janvier.

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