Nautisme: naissance en Europe de la première alliance industrielle pour le recyclage des matériaux composites

Pour que les coques de voiliers ne finissent plus abandonnées, incinérées ou enfouies, cinq industriels du nautisme, de la chimie, du traitement des déchets, de la fabrication et du tissage de fibres de verre en France, alliés à une start-up suisse, lancent mercredi la première alliance destinée à recycler les matériaux composites.

Le constructeur de voiliers Beneteau, le groupe de chimie Arkema, le groupe de traitement de déchets Veolia, le fabricant d'isolants et de renforts en fibre de verre Owens Corning et l'expert en textiles techniques Chomarat basé en Ardèche, ont investi 4 millions d'euros en recherche pour permettre ce rapprochement.

A long terme, ils envisagent de refaire des bateaux neufs avec de vieilles coques recyclées, selon leur annonce en marge du salon des composites JEC World, à Villepinte au nord de Paris.

Les matériaux composites - des résines de polyester ou époxy associées à un renforcement tissé, en fibre de verre, de carbone ou en fibre naturelle (lin, chanvre..) - envahissent la vie moderne: coques de bateaux, pales d'éoliennes, carosseries automobiles, pièces aéronautiques... Ils remplacent de plus en plus l'aluminium, l'acier ou le fer à béton dans le bâtiment.

Très prisés par les industriels, car ils permettent d'alléger les carosseries et de réduire la consommation des véhicules, ils résistent jusqu'à présent à tout recyclage.

- Chutes de production -

Et ils finissent la plupart du temps leur vie enfouis dans des déchetteries. "Dans le nautisme, on arrive aujourd'hui à recycler, réemployer ou valoriser énergétiquement jusqu'à 70% des pièces de bateaux qui sont déconstruits, mais les composites n'ont aucune solution à ce jour, c'est le défi majeur", admet Erwan Faoucher, qui dirige l'innovation chez Beneteau.

Pour permettre à terme une fabrication circulaire, la start-up suisse Composite Recycling a installé près de Nantes une unité de recyclage des matériaux composites, basée sur la thermolyse, pour le compte de l'alliance.

En chauffant les matériaux composites à 400°C sans oxygène, la résine se vaporise et on obtient d'un côté, de la fibre - qui peut être remise en bobine par Owens Corning et retissée par Chomarat - et de l'autre, de l'huile - qui servira à Arkema à refabriquer de la résine.

Mais le recyclage de coques de bateaux usagées n'interviendra pas tout de suite.

Dans un premier temps, l'alliance collectera, triera et recyclera les chutes de fabrication de Beneteau, qui a lancé deux lignes de production de voiliers utilisant la résine thermoplastique Elium produite par Arkema. La machine installée par Composite Recycling permet de traiter deux tonnes par jour. La start-up est en train de lever 5 millions d'euros en vue de construire une machine d'une plus grande capacité.

"Près de Nantes, il y a les Chantiers de l'Atlantique (paquebots), Airbus, Naval Group... C'est la première région de composites de France", observe Guillaume Perben, cofondateur de Composite Recycling.

"Nous commençons par le nautisme, mais notre système sera transférable à tous les secteurs d'activité utilisant des composites", ajoute Erwan Faoucher.

-"5% plus cher" -

L'alliance était d'autant plus nécessaire que 600.000 tonnes de déchets de composites seront générés en Europe en 2025, selon l'association européenne des composites, Eucia. Et le marché mondial devrait tripler entre 2025 et 2032, à 144,23 milliards de dollars, selon le cabinet Data Bridge.

Beneteau reconnait que le matériau composite recyclé issu de ses chutes de fabrication sera "5% plus cher" que le matériau vierge.

"Mais les industriels sont très demandeurs, car dans certains pays européens, comme en Autriche, ils n'ont pas d'autre solution que de louer des hangars pour stocker leurs chutes de fabrication. Avec le durcissement des réglementations environnementales, ils n'ont plus le droit de les enfouir ni de les incinérer", relève Guillaume Perben.

De son côté, l'ONG Robin des Bois souligne les dégâts de plus en plus importants faits par les ouragans dans les marinas et ports de plaisance qui laissent des amas de voiliers "cyclonés" difficilement réutilisables ou valorisables. Ainsi lors du passage de l'ouragan Irma en septembre 2017, entre 500 et 2.000 bateaux ont été endommagés à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, selon l'ONG.

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