Voyant les mesures écologistes qui ont essaimé dans la plupart des programmes de campagne pour les élections municipales de dimanche, les Verts brandissent leur étiquette comme un brevet d'authenticité afin de convertir les bons sondages en conquêtes de mairies.
Sans discontinuer, les enquêtes créditent les Verts de très bons scores dans plusieurs grandes villes. A Rouen, Besançon, Strasbourg, Lyon et Bordeaux, ne pas affronter de maire sortant classé à gauche leur offre même de sérieuses chances de succès.
Le fond de l'air de la campagne est vert: l'écologie est selon plusieurs études sur le podium des préoccupations des électeurs, derrière la sécurité et la propreté. Davantage qu'un simple verdissement des discours, elle est présente dans tous les programmes à travers des mesures concrètes, comme la végétalisation, le développement des transports en commun et du vélo, le bio dans les cantines...
A Bordeaux, embellie sous Juppé au cours des 20 dernières années, mais toujours très "minérale" entre ses façades XVIIIe, les candidats redoublent de promesses de végétalisation: un "Plan canopée" avec 3.000 arbres plantés par an pour le sortant Nicolas Florian (LR), des "oasis urbaines" ou "micro-forêts" de 100 m2 pour le Vert Pierre Hurmic, et le doublement des espaces verts pour le Marcheur Thomas Cazenave.
Emeric Bréhier, directeur de l'Observatoire de la vie politique, qui a analysé pour la fondation Jean-Jaurès les programmes dans une quarantaine de grandes villes, a trouvé "des mesures assez proches d'un parti à l'autre, de LR aux écolos en passant par LFI, LREM, le PS et le PCF", rapporte-t-il à l'AFP.
Selon le politologue, ce consensus atténue "l'évidence du clivage": "C'est une belle victoire culturelle pour les écolos mais elle n'implique pas forcément des victoires électorales. (...) Et si ça devient le cas à ces municipales, cela ne s'appuiera pas tant sur des différences programmatiques".
Les écologistes d'EELV affichent leur satisfaction sur le fond. "Il y a trois ans le paysage politique se recomposait autour d'une personne, Emmanuel Macron. Aux municipales c'est autour d'un projet, d'une idée, d'une espérance: l'écologie", a déclaré Yannick Jadot jeudi sur Franceinfo.
- "EELV reste faible" -
Mais l'eurodéputé s'est aussi montré très ambitieux pour sa propre formation depuis le début de la campagne, allant aux quatre coins de l'hexagone soutenir les listes EELV. Avec pour mot d'ordre de ne plus être les "supplétifs" du Parti socialiste.
Il faut donc absolument pour EELV transformer les bonnes ondes en bulletins sonnants et trébuchants, afin de poursuivre la dynamique des européennes de mai 2019 (13,5%) et se projeter en conquérants vers la présidentielle de 2022.
"On mène une campagne acharnée, on sait que rien n'est acquis, qu'on n'est pas propriétaires de nos voix", confie Stéphane Pocrain, un des conseillers du parti.
Pour se démarquer, les dirigeants misent sur l'étiquette EELV, la seule à représenter un sésame dans une époque de défiance des électeurs contre les partis. "On bénéficie d'un vote d'adhésion", se réjouit Julien Bayou, le secrétaire national. Il veut croire que les électeurs sauront gré aux Verts d'avoir été "constants" depuis des décennies.
Mais aussi "cohérents", car le dirigeant estime qu'EELV reste largement prescripteur d'un projet d'ensemble, et dénonce le "concours Lépine de greenwashing" des autres partis. "Par exemple à Poitiers, l'équipe sortante (du maire socialiste) peint à la va-vite sur le trottoir des bandes vertes pour dire que c'est une piste cyclable", raille Julien Bayou.
Stéphane Pocrain pointe cependant le risque de "se transformer en agence de notation et en donneurs de leçons". D'autant qu'"EELV avec ses 9.000 adhérents seulement reste faible dans sa structuration", souligne un élu du parti. Il se montre pessimiste: "On va faire de bons premiers tours mais aura-t-on les réserves de voix au second tour pour gagner les mairies? On a encore du boulot" pour conquérir le pouvoir.