Motion de censure : la gauche tente de faire entendre les "cris du peuple" à l'Assemblée

Pour faire entendre les "cris du peuple" lancés par les "gilets jaunes", la gauche a soumis jeudi Edouard Philippe, dans une ambiance parfois houleuse, à l'épreuve d'une motion de censure, qui n'a cependant aucune chance de faire tomber le gouvernement.

L'exécutif est "déconnecté du peuple" et il est "de notre responsabilité de vous stopper dans votre course têtue en faveur du capital", a lancé André Chassaigne (PCF), premier signataire de la motion déposée avec les Insoumis et les socialistes, devant un hémicycle peu garni.

"La maison brûle, mais le président regarde ailleurs. L'heure est venue de changer de cap", a appuyé plus tard Olivier Faure (PS), à deux jours d'une nouvelle mobilisation.

Pour sa part, Jean-Luc Mélenchon (LFI) a fait respecter une minute de silence par la plupart des députés, en hommage aux victimes au sein du mouvement des "gilets jaunes": six morts, dont un dans la nuit de mercredi à jeudi près d'Avignon. Puis il a défendu la censure, "plus court chemin vers le retour aux urnes que la démocratie exige, vers la dissolution".

Accompagné de plusieurs membres du gouvernement, le Premier ministre a répondu que depuis juin 2017, "les Français ont vu des transformations rapides que nous mettions en oeuvre. Mais ils ont trouvé trop lentes celles qui amélioraient directement leur pouvoir d'achat, ils ne l'ont pas accepté, c'est pourquoi le président nous a demandé d'accélérer".

"Le temps presse" et Edouard Philippe a rappelé les mesures annoncées lundi soir par Emmanuel Macron - baisse de CSG, les smicards augmentés de 100 euros mensuels, heures supplémentaires défiscalisées... - qui vont être traduites dans un projet de loi, mercredi prochain en Conseil des ministres.

La hausse de 100 euros au niveau du salaire minimum s'ajoutera finalement aux baisses de charges sociales de 2018, a-t-il précisé.

Le résultat du vote sur la motion sera connu en début de soirée. Les élus de gauche totalisent 62 voix, loin de la majorité des 577 députés.

- "Jupiter, redescendu sur Terre" -

Le groupe LR ne votera pas la motion, "dont le contenu est très éloigné de nos propositions", a expliqué Virginie Duby-Muller. "Lundi, Jupiter semble être redescendu sur terre, annonçant plusieurs mesures, dont certaines que nous défendions depuis plusieurs mois", a-t-elle souligné.

Les députés RN vont de leur côté approuver la motion, saisissant "chaque occasion de dire que nous sommes en opposition absolument totale avec la politique qui est menée par Emmanuel Macron", a justifié Marine Le Pen depuis Lille.

Elle avait dans un premier temps dénoncé une volonté de la gauche de "se faire de la publicité sur le dos de la crise" des "gilets jaunes", alors que les extrêmes veulent éviter d'être taxés de récupération de ce mouvement populaire.

Edouard Philippe n'a pas manqué d'épingler l'alliance des gauches. En voyant ce souhait de "censurer un gouvernement qui augmente de 100 euros les travailleurs au Smic, je me dis qu'il n'y a plus guère de repères", a-t-il lâché.

"Je ne vois aucune alternative" au pouvoir actuel, a aussi jugé Gilles Le Gendre (LREM), dénonçant "un attelage contre nature".

Les trois groupes de gauche avaient déjà surmonté leurs divisions en juillet, pour déposer une motion de censure commune sur l'affaire Benalla, une motion de LR s'y ajoutant. C'était alors la première fois que l'opposition avait recours à cette procédure depuis l'élection d'Emmanuel Macron.

Le débat a connu une poussée de tension lorsqu'Olivier Faure a jugé que la majorité "aurait été bien inspirée" de reporter ce débat à la suite de l'attentat de Strasbourg mardi soir. "Vous avez fait le choix cynique d'utiliser le drame pour mieux cacher la crise", a-t-il accusé, suscitant des protestations et le départ de quelques élus de la majorité.

"Le cynique, chacun l'aura reconnu", lui a rétorqué le titulaire du perchoir Richard Ferrand.

Fragilisé par la crise des "gilets jaunes", Édouard Philippe s'est déjà soumis la semaine dernière au vote de l'Assemblée, qui avait approuvé par 358 voix contre 194 les premières mesures, notamment l'abandon de la hausse de la taxe carbone.

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