A Montreuil, le retour de l'arbre, de la cour d'école au cimetière

Ici, il désigne un cèdre remarquable désormais protégé par la ville; là, de jeunes pousses qui égayent une ruelle: le "Monsieur arbres" de Montreuil sillonne fièrement cette commune de Seine-Saint-Denis où 3.000 arbres ont été plantés en trois ans.

Apparemment décontracté au volant d'une camionnette, Joël Mollet, "responsable du patrimoine arboré" de la commune de plus de 110.000 habitants, garde l'oeil aux aguets pour surveiller ses protégés, menacés par la pression immobilière, aux portes de Paris.

"Mon poste, c'est la défense de l'arbre partout dans la ville. Je suis le +Monsieur arbres+, maudit par les uns, adoré par les arbres!", déclame le jardinier de 55 ans, impliqué dans le "projet de débitumisation et renaturation" de la cité.

Les arbres sont désormais officiellement choyés dans nombre de communes autour de la capitale, quelle que soit l'étiquette politique de leur maire.

"Il y a un mouvement de prise de conscience très claire et ça s'est fait massivement: Montreuil, c'est 3.000 arbres plantés en trois ans, soit plus qu'en 20 années", assure à l'AFP son maire (PCF) depuis 2014, Patrice Bessac, qui préside également la communauté de neuf communes Est Ensemble.

"Le climat de Marseille remonte vers la Seine, il nous faut attaquer les îlots de chaleur", explique l'édile - "originaire de la campagne" - qui rêverait de voir "des mômes de Montreuil grimper aux arbres" et plaide que "remettre du végétal partout" est aussi "un outil d'apaisement de l'espace public".

- "Ils nous collent des arbres" -

Alors la ville assume qu'un nouvel arbre prenne souvent une place de parking, comme dans la rue Eugène Pottier où des plants s'épanouissent dans des fosses profondes.

"Ils nous collent des arbres et les problèmes de stationnement sont dramatiques", y proteste Martine, retraitée de 72 ans. "On a déjà des arbres dans notre jardin, et deux voitures: l'une rentre au garage mais je tourne dans le quartier pour garer l'autre."

Dans la même ruelle, Elodie, "designer" de 39 ans, applaudit au contraire ces arbres qui font "du bien à la rue": "Je galère pour me garer mais je ne suis pas à dix minutes près si la qualité de vie s'améliore".

Plus loin, devant l'entrée du cimetière ancien, deux ambitions d'Est Ensemble (Bagnolet, Bondy, Bobigny, Le Pré-Saint-Gervais, Les Lilas, Montreuil, Noisy-le-Sec, Pantin et Romainville) se concrétisent: à droite, les plantations du "Plan arbres"; à gauche, celles du "Grand chemin".

Le "Plan arbres" vise à mettre de l'arbre partout où c'est possible dans de bonnes conditions, des cours d'école jusqu'à ce cimetière que Joël Mollet décrit comme le point le plus chaud de Montreuil, à cause de la réverbération des tombes.

Quant au "Grand chemin", illustré ici par un chantier de rue végétalisée, ce sera à terme un "corridor vert" de 55 kilomètres reliant les villes d'Est Ensemble à Fontenay-sous-Bois, Rosny-sous-Bois et Paris, soit "220 hectares d'espaces publics +renaturés+ et réaménagés".

- Dissuasion et sanction -

La ville fait valoir qu'une partie des nouveaux arbres sont "made in Montreuil", issus de sa pépinière aux 2.000 plants.

Certains ont déjà été transplantés dans un nouveau jardin pédagogique où les enfants découvriront notamment comment des arbres fruitiers étaient autrefois plantés en espalier le long de fameux "murs à pêches".

"Il y a des enfants et adultes qui ne savent pas reconnaître trois espèces d'arbres courants", constate Sandrine Armand, 53 ans, responsable du pôle valorisation de la nature en ville, au pied d'un noyer garni d'abris à chauve-souris. "Or pour mieux respecter la nature, il faut la connaître, et pour la connaître, il faut l'observer".

Sur son trajet, Joël Mollet s'arrête au pied d'un cèdre de l'Atlas de plus de 80 ans, enraciné "dans le jardin d'une vieille dame italienne qui a fait don de sa maison à la ville". Même s'il était situé dans un jardin privé, Montreuil l'aurait "classé" pour le "sanctuariser", comme 300 autres arbres remarquables isolés, assure-t-il.

Une protection qui passe aussi par la dissuasion. "Si tu abats un arbre, tu dois en replanter trois", rappelle-t-il. "Un homme qui voulait en couper un pour construire un garage a renoncé: le remplacer lui aurait coûté plus de 20.000 euros."