Dans les gares ou les supermarchés, brouhaha permanent et néons agressifs peuvent générer du stress pour les personnes autistes ou anxieuses. A leur intention, certaines initiatives se développent, encore timidement, pour réduire le son ou la lumière.
A la gare de l'Est, Emmanuel, porteur d'un trouble du spectre autistique, confie se sentir "mieux" et "à l'aise", dans l'"espace calme" de la gare parisienne qui a accueilli l'an dernier plus de 40 millions de voyageurs. Installé dans un fauteuil accoustique en forme d'oeuf, le trentenaire se détend en contemplant une colonne à bulles lumineuse.
Ouvert en mai, l'espace de 7 m2 offre un cadre apaisant, avec lumières tamisées et tableaux sensoriels, pour les personnes sensibles au bruit et à la lumière.
"La gare peut être un endroit, souvent, où il y a beaucoup de bruit, beaucoup de stimulus sensoriels (pouvant) mettre en difficulté les personnes en situation de handicap cognitif", décrit Elodie Andriot, experte accessibilité à SNCF Réseau.
L'espace accueille aussi les personnes anxieuses ou migraineuses et est climatisé, une précaution importante pour Pierre Fenaux, père d'Emmanuel et administrateur à l'Unapei, l'une des principales associations dans le secteur du handicap intellectuel. "En cas de retard, ils sont debout (...) il y a une verrière et il peut faire très chaud l'été", explique-t-il.
- Heures silencieuses -
En France, environ 700.000 personnes vivent avec un trouble du spectre autistique, selon l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
Expérimenté jusqu'à fin 2025, l'espace est accessible sur présentation d'un titre de transport, sans justificatif, dans une limite de trois personnes.
La gare de l'Est est la première en France à mettre en place ce type de projet, déjà testé dans certaines écoles et entreprises. Un espace similaire avait aussi été aménagé au Club France lors des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.
Dans les supermarchés et centres commerciaux, des adaptations sont aussi mises en place, comme les "heures silencieuses", pendant lesquelles la musique est coupée, la lumière réduite, les appareils de nettoyage mis en pause.
En 2021, l'Assemblée nationale a adopté une proposition de loi pour les généraliser en grande surface, mais elle n'a jamais été examinée au Sénat.
Leclerc, Super U ou Carrefour, les géants de la grande distribution, ont progressivement adopté ce dispositif. En mars 2022, par exemple, le groupe Carrefour avait passé pour consigne à tous ses supermarchés et hypermarchés d'appliquer deux créneaux calmes quotidiennement, un le matin, l'autre l'après-midi.
"Il n'y a pas de son, la lumière est programmée pour baisser automatiquement", confirme à l'AFP Mohamed Mbaye, manager au Carrefour Market Paris Alésia. "Certains clients viennent spécialement à ces heures-là, pour faire leurs courses au calme."
- Application "très compliquée" -
Au centre commercial Beaugrenelle, à Paris, qui revendique 13 millions de visiteurs par an, l'heure silencieuse est programmée chaque jour de 15H00 à 16H00 en semaine.
Pourtant, sur place, une majorité des visiteurs et du personnel semble ignorer l'existence du dispositif.
Maryse (elle n'a pas souhaité donner son nom de famille), 59 ans, une habituée, dit apprécier la lumière "moins agressive", mais ignorait l'existence d'un créneau dédié :"C'est agréable, mais je n'avais jamais vraiment remarqué."
Des panneaux lumineux "sont disposés pour informer la clientèle", indique la direction. Il faut toutefois parcourir tout le centre pour en trouver un, près des toilettes du dernier étage, a constaté en début de semaine une journaliste de l'AFP.
Nadia Essayan, ex-députée (Modem) et rapporteure de la proposition de loi sur les heures silencieuses, admet que l'application du dispositif est "très compliquée", en particulier dans les centres commerciaux où toutes les boutiques n'y participent pas.
"Il fallait travailler avec l'ensemble des commerces pour que partout l'ambiance soit plus silencieuse", souligne la conseillère régionale de Centre-Val-de-Loire, regrettant que "la plupart des grands magasins n'y soient pas arrivés".
D'un point de vue scientifique, on manque encore de données sur les bénéfices réels de ces dispositifs, les chercheurs rappelant que les besoins des personnes autistes varient largement selon les profils, tout en jugeant essentiel d'adapter l'espace public.