Mobilisation en recul pour la cinquième journée des "gilets jaunes"

Une poignée de barrages et des interrogations: quelques blocages de dépôts pétroliers et d'axes routiers subsistaient mercredi, au cinquième jour de la mobilisation des "gilets jaunes" qui marque le pas avant un rendez-vous fixé samedi à Paris.

La situation reste toutefois tendue à La Réunion, théâtre d'une nouvelle nuit de violences, émaillée d'échauffourées, de jets de projectiles et de cocktails Molotov sur les forces de l'ordre et parfois de tentatives de pillages de commerces.

Seize policiers et gendarmes ont été blessés durant ces interventions, dont un a eu la main arrachée par l'explosion accidentelle d'une grenade dans son véhicule, et 38 personnes ont été interpellées, a indiqué à l'AFP la préfecture de l'île.

Au total, 30 membres des forces de l'ordre ont été blessés depuis samedi, a indiqué le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, précisant que 80 gendarmes étaient envoyés en renfort sur place. Le président Macron a rappelé en conseil des ministres que "la sévérité sera de mise" contre tous les "comportements inacceptables", a-t-il ajouté.

En métropole, les gilets jaunes semblaient davantage cibler les plateformes logistiques ou zones d'activités commerciales, dont le blocage est moins impopulaire que les barrages d'axes routiers.

Près de Toulouse, le dépôt pétrolier de Fondeyre et la plateforme logistique Eurocentre étaient ainsi bloqués.

Le blocage de la plateforme voisine Socamil, jugé illégal par le tribunal de Toulouse, a lui été levé, tout comme le péage de l'autoroute A10 à Virsac (Gironde), théâtre de dégradations.

"Les dégâts sont considérables, on parle de plusieurs millions d'euros (...). Il faudra plusieurs semaines pour remettre en état l'ensemble des installations", a déclaré à l'AFP le PDG de Vinci Autoroutes Pierre Coppey, joint par téléphone.

Selon une source policière, un peu plus de 10.000 personnes étaient mobilisées mercredi, loin des 290.000 manifestants recensés samedi.

"Tout est calme. On est des gens pacifistes", souligne à l'AFP Brigitte Duquesne, 55 ans, sur un barrage dans le Finistère: "Les gens sont avec nous, ils klaxonnent, nous saluent et certains nous apportent à boire et à manger".

L'opérateur Vinci faisait état de blocages ou perturbations aux accès et sorties des autoroutes A7, A8, A9, A10, A11, A20, A28, A61, A62, A63, A64 et A85, dans un point de situation à 14H00.

Conséquence: l'usine PSA de Sochaux (Doubs) a annoncé qu'elle arrêtait certaines lignes de montage mercredi après-midi faute de pièces, certains camions de fournisseurs étant bloqués.

Le mouvement s'est invité mercredi à l'Assemblée nationale où le député Jean Lassalle a provoqué une suspension de séance lors des questions au gouvernement en arborant un gilet jaune que le président de l'Assemblée Richard Ferrand lui avait intimé de "retirer".

- "Un gros coup samedi" -

Si le nombre de "bloqueurs" recule de jour en jour, les violences et dégradations sur certains points inquiètent les autorités, confrontées à une mobilisation sans organisateur ou leader clairement désigné.

Depuis samedi, deux personnes ont trouvé la mort -un motard après une collision avec une camionnette qui tentait d'éviter un barrage et une manifestante renversée par une automobiliste-, 552 ont été blessées, auxquelles s'ajoutent 95 blessés côté forces de l'ordre, selon Beauvau.

Plus de 650 personnes ont été interpellées et près de 500 placées en garde à vue, a-t-on appris de source policière.

Face à cette contestation qui a essaimé hors de tout cadre politique et syndical, l'exécutif alterne appels au dialogue et démonstrations de fermeté.

Selon un sondage Elabe pour BFM TV, 40% des Français soutiennent la mobilisation des "gilets jaunes", (-7 points en une semaine), 30% éprouvent de la sympathie (+4), 20% la désapprouvent (+5) et 10% sont indifférents (-2).

Toujours "déterminés", prêts à "tenir" et à "durer", les "gilets jaunes" s'interrogent sur leurs modalités d'action: faut-il continuer à bloquer ou se projeter sur "l'Acte 2", une manifestation nationale samedi à Paris ? Faut-il paralyser les routes -et donc les citoyens- ou plutôt cibler l'État et ses institutions (préfectures, centres des impôts...) ?

"Nous prenons du recul pour recentraliser l'action, qui se dispersait par trop d'initiatives individuelles. Nous n'étions plus assez efficaces", explique à l'AFP Julien Terrier, porte-parole des "gilets jaunes" à Grenoble.

Des appels à un rassemblement place de la Concorde circulent. Plus de 31.000 personnes se sont déclarées "participants" à cet événement sur Facebook, et plus de 200.000 "intéressées".

Cette manifestation ne sera pas interdite mais elle ne pourra pas se tenir place de la Concorde pour des raisons de sécurité, a affirmé le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Intérieur Laurent Nuñez, appelant à déclarer cette manifestation en préfecture afin de trouver un autre lieu "sécure".

Dans les régions, les collectifs disent s'organiser pour acheminer un maximum de "gilets jaunes" en covoiturage, bus ou trains.

Plusieurs leaders politiques entendent se joindre à cette journée. Le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a notamment indiqué que ses militants y participeraient.

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