Se tremper légalement dans une grande rivière, à deux pas de la ville: à 50 km de Paris, Meaux déploie comme chaque été sa plage, précurseure dans une Ile-de-France qui veut se réapproprier la Seine et la Marne après les Jeux olympiques.
A la mi-journée, le panneau d'accueil affiche 23°C dans l'eau et 27°C dans l'air.
A l'intérieur d'un rectangle de bouées de 60 m sur 15, les enfants rivalisent de cris en s'éclaboussant, sous l'oeil vigilant de la surveillante de baignade installée sur sa chaise haute, et des parents à l'ombre sous leur parasol.
En plein épisode de chaleur, la plage frôle sa capacité maximale d'accueil: 1.500 personnes dont 300 dans l'eau. "Meaux-les-Bains", l'unique plage fluviale autorisée en Ile-de-France, attire bien au-delà de la sous-préfecture de Seine-et-Marne.
Ailleurs dans la région, où la baignade est interdite, il existe bien douze bases de loisirs. Mais elles se situent sur des lacs et leur accès est payant, contrairement à cette plage du bord de Marne, gratuite.
"Il y a tellement de choses qui ne sont plus accessibles gratuitement, pour les familles nombreuses", sourit Rajaa Ghilli, mère de quatre enfants venue de Villepinte (Seine-Saint-Denis), à 30 km de là.
Cette accompagnante d'élèves handicapés, âgée de 46 ans, trempe les pieds et le bout de sa robe noire dans l'eau, sans crainte vis-à-vis de sa qualité. "Mon père a des jardins en bord de Marne. Cela fait des années qu'il pique une tête dans l'eau, il n'a jamais eu de soucis", évacue-t-elle.
- Site historique -
"L'eau est propre, le sable est propre", acquiesce Caroline Froment, 42 ans, venue de Coulommiers avec ses filles, qui juge "important que les habitants puissent se baigner dans chaque ville où il y a des cours d'eau".
C'est bien le projet de l'Etat et des collectivités de l'agglomération parisienne, qui ont dépensé depuis 2016 environ 1,4 milliard d'euros pour dépolluer la Seine et la Marne. Et faire ainsi renaître des plages fluviales qui existaient pour certaines déjà au XXe siècle, avant d'être fermées pour motifs sécuritaires et sanitaires.
Située en amont de capitale, celle de Meaux fait partie de ces sites historiques. Après-Guerre, "il y avait jusqu'à 2.000 personnes qui venaient de Paris" s'y baigner, assure Christian Allard, adjoint à la mairie chargé de la santé et des sports.
En 2007, cette ville de 50.000 habitants dirigée par Jean-François Copé (LR) obtient le feu vert des autorités sanitaires pour faire renaître la plage.
Une autorisation renouvelée chaque année jusqu'en 2022, quand l'Agence européenne de l'environnement a estimé insuffisants les résultats de l'analyse bactériologique de l'eau.
La faute, selon la mairie, à "l'application de nouvelles normes européennes" se basant sur les prélèvements des quatre années précédentes. Et qui incluaient donc ceux réalisés autour d'orages, qui vont "remuer et remettre en suspension les bactéries", précise M. Allard.
- Nouvelle réglementation -
Cette année, grâce "à un travail en coulisses, à bas bruit", la ville a retrouvé son autorisation et peut "permettre à toutes les catégories de personnes d'avoir des vacances", souligne l'adjoint.
C'est aussi parce que "la nouvelle réglementation permet de reporter les dates de prélèvement" en cas d'orage, explique Christophe Picquart, responsable des espaces publics de la mairie.
Trois prélèvements hebdomadaires, un de l'Agence régionale de santé (ARS) et deux d'un laboratoire privé mandaté par la ville, attestent de la bonne qualité de l'eau.
"Qu'il y ait un arrêté ou pas, les gens y vont quand même", relativise Cyril Aidet, un menuisier de 42 ans qui considère la baignade fluviale comme un droit. "La Marne n'appartient pas à la Ville, elle appartient à tout le monde", dit-il torse nu, calé sous son parasol.
Ne pas pouvoir se baigner est "complètement restrictif", abonde Jasmine Rey-Pereira, qui avait l'habitude de prendre son bain "avant et après le boulot, au bord du lac" Léman, à Genève, d'où elle est originaire.
"C'est le truc qui me manque le plus ici", dit la Suissesse, qui a fait "deux heures de trajet" pour venir de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) où elle réside.
Pour cette femme de 35 ans, "les gens seraient plus heureux et paisibles s'ils pouvaient avoir accès à un site de baignade près de chez eux, sans avoir à payer".