Mayotte, un système de santé déjà exsangue

Un seul hôpital toujours surchargé, une offre de ville insuffisante, une épidémie de choléra au printemps: à Mayotte, les dégâts causés par le cyclone Chido sont une catastrophe de plus pour le système de soins déjà exsangue, bien loin des standards métropolitains.

- Manque de soignants et de lits

Malgré une population qui double tous les 20 ans et atteint aujourd'hui 321.000 personnes, Mayotte ne compte qu'un seul hôpital (CHM) - avec un site principal à Mamoudzou hébergeant les trois quarts des lits et quatre autres petits sites assurant une présence médicale 24h/24. Le CHM assure 72% de la consommation de soins de l'île, selon deux rapports des commissions des Affaires sociales du Sénat (2022) et de l'Assemblée nationale (octobre 2024).

Avec seulement 260 médecins en activité pour 321.000 officiellement habitants (la population est probablement sous-estimée en raison de l'immigration irrégulière), l'île ne compte que 81 médecins pour 100.000 personnes, contre 353 en France métropolitaine.

Le nombre de lits d'hospitalisation disponibles représente à peine 40% de la moyenne française.

- Hôpital en crise permanente

L'accès aux soins se "borne souvent à gérer les urgences, sans pouvoir proposer une prise en charge et un suivi adéquats", et sans réellement assurer les soins programmés en chirurgie, écrivent notamment les sénateurs. Selon des soignants qu'ils ont rencontrés, "Mayotte pratique une +médecine de catastrophe+", de manière chronique.

Dans ce cadre, le dispositif d'évacuation sanitaire (Evasan) des patients vers d'autres territoires est "essentiel pour le système de santé mahorais". Ainsi 1.792 évacuations ont eu lieu en 2023, concernant près de 500 mineurs", à 90% vers La Réunion.

Le CHM est "sous-dimensionné": l'Igas (Inspection générale des affaires sociales) estimait déjà, en 2017, que le taux moyen d'occupation des lits frôlait les "150%". Cela se traduit régulièrement selon les sénateurs par "des files d'attente immenses, dès le matin, devant les centres de consultation".

Par manque d'entretien et de praticiens, les équipements de l'hôpital se dégradent rapidement, note aussi la députée RN Anchya Bamana dans son rapport. La maternité de Mamoudzou - la première de France - fonctionne à flux tendu, contrainte de transférer des patientes peu après l'accouchement vers des sites périphériques, souvent dénués de gynécologues-obstétriciens et d'anesthésistes.

- Peu de soignants en ville

En ville, l'offre de soins est largement insuffisante. "En 2023, le département comptait 12 médecins libéraux pour 100.000 habitants, contre 169 en métropole". Les professionnels sont "concentrés à Mamoudzou, faisant du nord et du sud de l'île un véritable désert médical", indiquait dans un rapport, au printemps 2024, l'infectiologue Renaud Piarroux, intervenu à la demande des autorités suite à l'épidémie de choléra qui frappait l'île.

L''hôpital est en pénurie chronique de soignants, avec beaucoup de contrats courts, des renforts venus de métropole et des praticiens étrangers.

La pénurie de soignants "tend à s'aggraver car les crises successives" subies ces dernières années par Mayotte entraînent "un manque d'attractivité, initiant un cercle vicieux dont il sera très compliqué de s'extirper", écrivait aussi M. Piarroux.

- Santé dégradée

Parallèlement, la population est en mauvaise santé: l'espérance de vie est inférieure de sept ans pour les femmes et onze ans pour les hommes à la moyenne nationale, selon les rapports parlementaires.

Le taux de couverture vaccinale est faible, le taux de mortalité infantile et la prévalence des maladies chroniques fortement supérieures à la moyenne nationale.

L'île subit des maladies infectieuses peu présentes en France, comme l'hépatite A, des résurgences de fièvre tiphoïde ou de choléra, des cas de tuberculose ou de leptospirose.

Elle est également confrontée à des problèmes climatiques, qui compliquent l'accès à l'eau, déjà difficile. A Mayotte, trois ménages sur dix (29%) ne disposaient pas de l'eau courante en 2017.

- Choléra

De février-mars à la mi-juillet, Mayotte a connu une épidémie de choléra -maladie transmise par l'eau et les aliments contaminés- qui a fait au moins cinq morts.

L'hôpital s'est retrouvé "dans une situation catastrophique" faute d'effectifs suffisants, et même "au bord de la rupture", selon des soignants du CHM interrogés par l'AFP.

L'épidémie a mis en lumière "la faible capacité" du système de santé mahorais "à faire face à une urgence sanitaire", analysait alors l'infectiologue Renaud Piarroux.