L'archipel de Mayotte s'est retrouvé dans une situation "extrêmement défavorable" avec le cyclone Chido qui lui "fonçait droit dessus" car sa trajectoire ne s'est pas heurtée au nord de Madagascar comme dans la vaste majorité des cas, explique dans un entretien à l'AFP Sébastien Langlade, spécialiste des cyclones chez Météo-France.
Comment le dispositif d'alerte a-t-il fonctionné ?
"Le dialogue avec les autorités a commencé depuis une semaine.
Trois jours avant l'événement, mercredi, la pré-alerte a été déclenchée.
On est obligé de prendre en compte (l')incertitude dans la montée en puissance du dispositif. C'est pour ça qu'au niveau de la pré-alerte, on a des prévisions à trois jours qui sont incitantes.
On ne va pas demander aux gens d'aller se barricader tout de suite, mais simplement de se tenir au courant et de commencer à prendre des précautions. Puis au fur et à mesure que les prévisions s'affinent, que l'incertitude se réduit et que le scénario se dessine, il y a une montée en puissance du dispositif.
On est passé en alerte orange le vendredi matin avec une annonce la veille au soir par le préfet. Puis alerte rouge le vendredi soir. Puis l'alerte violette le samedi matin."
Les cyclones sont-ils plus difficiles à prévoir que d'autres phénomènes météorologiques ?
"Il y a une source de prévisibilité dans les cyclones parce que ce sont des systèmes organisés qui sont de mieux en mieux vus par les prévisions numériques qui sont nos outils. Et là, en l'espèce, les prévisions des trajectoires et d'intensité du cyclone se sont révélées particulièrement bonnes.
Sur les cyclones, on a déjà beaucoup plus de visibilité par rapport aux orages.
Cinquante-quatre heures avant, nos prévisions ont constamment ciblé le nord-ouest de Mayotte de façon plus ou moins immédiate, entre zéro et 30 km de distance de Mayotte, donc c'était un impact quasi direct qui était envisagé.
Dans les faits, la prévision est devenue effectivement très consistante et très juste deux à trois jours avant l'arrivée du cyclone. Et ça illustre un cas de bonne prévisibilité de l'évolution d'un cyclone."
Pourquoi Chido a-t-il été aussi dévastateur ?
"Habituellement, quand on a un cyclone qui se déplace d'Est en Ouest et qui vient sur la partie ouest du bassin dans le canal du Mozambique, il va, dans 95% des cas, dans l'écrasante majorité des cas, se heurter à Madagascar, s'affaiblir sur Madagascar.
Donc Mayotte bénéficie normalement, en tout cas très souvent, de la protection naturelle de Madagascar pour les cyclones. Et là, on s'est retrouvé dans ce cas de figure très rare, mais pas complètement inédit non plus, d'avoir un cyclone qui se déplaçait d'Est en Ouest et qui a eu une petite inflexion de trajectoire vers le nord en milieu de semaine dernière, qui lui a permis de contourner Madagascar par le Nord. Et donc Mayotte s'est retrouvé dans une configuration extrêmement défavorable avec ce cyclone mature qui lui fonçait droit dessus.
Dès qu'un phénomène cyclonique, et encore plus un cyclone, arrive sur terre, il perd sa source d'énergie, qui sont les eaux chaudes des océans superficielles. Et en plus, pour les zones montagneuses, on va avoir une déstructuration de la circulation dans les basses couches de l'atmosphère.
Le nord de Madagascar étant assez montagneux, on aurait eu le double effet, on l'a déjà vu dans plein de cas, par le passé, de cyclones puissants qui se sont heurtés à cette barrière montagneuse de Madagascar et qui sont sortis complètement affaiblis de l'autre côté".