A Mayotte, des centaines de sinistrés de Chido évacués d'un lycée dans la plus grande confusion

"On attend le bus, mais on ne sait pas où on va". Des centaines de sinistrés du cyclone Chido à Mayotte qui étaient hébergés dans un lycée ont été évacués lundi dans la plus grande confusion, leur transfert prévu vers un gymnase ayant été finalement annulé.

Avec la rentrée scolaire des enseignants lundi, puis celle des élèves le 27 janvier, ces sinistrés devaient quitter le lycée Younoussa-Bamana de Mamoudzou pour être accueillis sur le chantier d'un gymnase d'un autre lycée du chef-lieu de Mayotte, à Kaweni.

Ce quartier d'affaires de Mamoudzou abrite aussi un des plus grands bidonvilles de France.

Des vastes tentes bleues avaient été installées sur le chantier par l'association préparant leur venue, a constaté une journaliste de l'AFP.

Selon un membre de l'association qui souhaite rester anonyme, l'opération d'évacuation devait avoir lieu en urgence pour protéger les réfugiés des agressions.

Dimanche, l'une des tentes bleues installées sur le chantier du gymnase a "été incendiée par un cocktail Molotov", selon lui.

Vendredi, des collectifs d'habitants avaient pénétré dans le lycée Bamana pour tenter de déloger les personnes qui y étaient mises à l'abri, dans un contexte de colère persistante contre les étrangers à Mayotte.

"(Les habitants) nous ont jeté des pierres et de l'eau, ça dure depuis trois jours, c'est dégueulasse!", a témoigné Marcelline (prénom modifié), mère de famille de 23 ans, en attendant son évacuation vers une destination inconnue.

Comme des centaines de sinistrés du cyclone, originaires de Somalie ou de la région africaine des Grands Lacs, elle avait été hébergée dans ce lycée, sa maison à Tsoundzou (est de Mayotte) ayant été détruite.

Or, les établissements scolaires, très dégradés par Chido, qui accueillent les 117.000 élèves de l'île en temps normal et qui avaient permis à des sinistrés de se mettre à l'abri, font désormais l'objet de grandes tensions en cette période de rentrée scolaire.

Selon la CGT Educ'action, Younoussa-Bamana était le seul établissement encore occupé lundi.

- "On est asphyxiés" -

Dès lundi matin, les réfugiés étaient rassemblés dans la cour du lycée et les forces de l'ordre en sécurisaient les abords.

Pierre (prénom modifié), y dormait "par terre" depuis Chido. Le Congolais de 18 ans vivait à Kaweni avant que l'ouragan ne pulvérise son "banga" (case en tôle). Il explique, comme d'autres, que malgré une "décision favorable", il attend toujours sa carte de séjour, le service de la préfecture concerné "étant fermé depuis Chido".

Avec Pierre, des centaines de personnes attendaient qu'on les prenne en charge mais en début d'après-midi, la préfecture a rétropédalé et annulé leur transfert vers le gymnase, ont indiqué des sources proches du dossier à l'AFP.

Lundi matin, un barrage routier avait été dressé à l'entrée de Kaweni par des résidents pour protester contre "le camp de migrants installé au sein de l'établissement scolaire" alors que ceux de l'île "sont à terre", a déclaré une manifestante.

Le représentant de l'Etat sur l'île, François-Xavier Bieuville, s'y est déplacé pour s'entretenir avec les contestataires, a confirmé la préfecture à l'AFP.

"Nous, les Français, on n'a pas d'abri et je n'ai pas vu le préfet ériger une seule tente pour ceux qui ont perdu leur toit", s'est emportée Ghaniat Toyboy, consultante pour des entreprises américaines, devant le barrage.

"Pourquoi interrompre la scolarité de nos enfants ? Les mettre en danger ?", poursuit celle qui estime qu'"on ne connait pas ces migrants, il y a des violeurs, des tueurs (parmi eux)".

"Je ne suis pas xénophobe, mais on ne peut pas accueillir toute la population de l'Afrique, on est asphyxiés", conclut-elle.

"On ne comprend pas leur revendication, ça ne touche pas un établissement occupé par la jeunesse scolaire, mais un gymnase en construction", rétorque une membre de l'association préférant rester anonyme.

Alors que les sinistrés patientaient depuis de nombreuses heures dans la cour du lycée Bamana, trois bus scolaires sont finalement arrivés en milieu d'après-midi. Les réfugiés sont sortis de l'établissement scolaire les bras chargés de sacs, seaux et matelas. Mais sans connaître leur destination.

Selon le média public Mayotte la 1ère, ils ont été temporairement rassemblés dans le collège de Kwalé, à Mamoudzou.