Un enfant dans les bras, assis sur des chaises de camping ou s'épongeant le front d'une main, plusieurs centaines de personnes ont patienté une partie de la journée lundi sur une place de Passamainty, à Mayotte, dans l'espoir d'obtenir un pack d'eau minérale.
Une semaine après le passage du cyclone Chido, le plus dévastateur qu'ait connu l'archipel depuis 90 ans, des habitants peinent à trouver de l'eau potable, qui ne coule plus au robinet et dont les magasins manquent.
"Ces derniers jours, nous souffrons beaucoup. Nous n'avons ni eau courante, ni électricité (...) Nous allons puiser au puits pour nos besoins. Quand il pleut, nous faisons des réserves et nous buvons un peu aussi. Que faire d'autre ?", interroge Fahamou Abdou, habitante de Passamainty.
A 9h du matin, plusieurs dizaines de personnes étaient déjà rassemblées sur la place, le long de la route littorale, mais la distribution n'a pas eu lieu. Une liste lancée par un habitant a d'abord circulé, permettant aux premiers arrivants de s'inscrire en priorité. Et les heures ont passé.
"On a eu des infos sur les réseaux sociaux, comme quoi il y aurait une distribution d'eau, mais on n'a pas d'heure. On ne sait pas non plus à quoi on a droit : un pack par famille ?", se demande Emmanuel Gence, enseignant.
- "Par hasard" -
Certains sont partis, croyant la distribution annulée. Et sont revenus quelques heures plus tard: le camion rempli de packs d'eau s'est finalement garé aux alentours de 14h devant l'attroupement dense de centaines d'impatients.
Dans la foule, en longue robe rouge, Fatima Ahmed, dit être sur la place depuis cinq heures. "Nous sommes venus ici parce que nous avons appris par hasard en allant au puits qu'il y allait avoir une distribution d'eau", explique cette mère de famille.
Des distributions ont lieu chaque jour de la semaine dans différentes communes de l'archipel mais leurs horaires sont souvent incertains.
Elles ne touchent pas tous les publics, et souvent pas les plus précaires.
"Les distributions d'eau, et les premières distributions de nourriture, ont lieu uniquement en ville, et c'est regrettable. Les habitants en situation irrégulière des bidonvilles n'y vont pas, ils ne quittent pas leur quartier de peur de se faire attraper. Alors qu'il y a des besoins énormes", explique Yann Santin, coordinateur de Médecin sans frontières à Mayotte.
D'après les autorités, plus d'un tiers des 320.000 habitants de Mayotte sont en situation irrégulière.
- "Le cyclone a tout rendu pire" -
A Passamainty, les forces de l'ordre tentent de faire reculer la file, mais les mieux placés redoutent de perdre leur priorité. Le camion s'est finalement déplacé à quelques dizaines de mètres de la queue, pour conserver un "espace de sécurité", explique l'adjudant Romain, de la sécurité civile.
Cinq par cinq, les habitants s'avancent et récupèrent un pack de six bouteilles chacun.
"Je n'en trouve pas en magasin. Ce pack va nous durer deux à trois jours, en faisant attention. Mais il y a des enfants. Pour se laver, on prend l'eau de la rivière", raconte Pamela Kamariza, son bébé de 8 mois accroché à son dos.
Le cyclone Chido a causé le 14 décembre des dommages colossaux dans le département le plus pauvre de France, où les secours sont depuis à pied d'oeuvre pour rétablir les services essentiels comme l'eau courante, l'électricité et les réseaux de communications.
Le bilan provisoire de la catastrophe naturelle, facilitée par le réchauffement climatique, s'élève à 35 morts et environ 2.500 blessés.
Pamela Kamariza, elle, n'attend qu'une chose: pouvoir embarquer dans un avion à destination de la métropole. "C'est trop difficile ici. Le cyclone a tout rendu pire."