Manifestation d'ONG à Polytechnique contre l'implantation d'un bâtiment de Total

Des militants défenseurs du climat sont venus manifester bruyamment jeudi sur le campus de l'école Polytechnique à Saclay (sud de Paris), où se tenait un conseil d'administration destiné à statuer sur l'implantation d'un centre de recherche de Total, a-t-on appris de sources concordantes.

"Total: main basse sur Polytechnique": une banderole rouge de 30 m de long a été déployée sur la façade du hall d'accueil, entourée de bannières mêlant les logos du géant pétrolier et de la prestigieuse école d'ingénieurs, a constaté un photographe de l'AFP.

Dans le même temps plusieurs dizaines de militants de Greenpeace, des Amis de la Terre et d'Action Climat pénétraient à l'intérieur pour faire du bruit avec force tambourins, afin de perturber le conseil d'administration auquel participait le PDG de Total, Patrick Pouyanné, un ancien de l'école.

Le directeur de Greenpeace France Jean-François Julliard a fini par être reçu, ressortant cependant sans engagement, a-t-il expliqué à l'AFP.

"J'ai eu dix minutes pour exprimer nos revendications, à savoir renoncer à ce projet d'implantation, mais je n'ai pas senti la moindre ouverture à un renoncement", a-t-il regretté.

Pour Total, "l'ambition de ce centre est de devenir un centre d'innovation et de recherche de référence dans l'énergie bas carbone: renouvelables, batteries, captage et stockage du carbone, management des systèmes énergétiques, nouvelles mobilités", a expliqué une porte-parole.

Mais "aujourd'hui Total investit toujours très majoritairement dans les hydrocarbures", affirme Greenpeace.

"Si Total veut créer un centre de recherche sur les énergies renouvelables, c'est bien, mais qu'il le fasse hors d'un campus comme celui-là. Ici il cherche à renforcer sa stratégie d'influence auprès des décideurs de demain", ajoute M. Julliard.

Selon Polytechnique, ce bâtiment de 10.000 m2 doit accueillir 400 personnes, dont 200 salariés de Total, pour travailler sur la "décarbonation des énergies".

Jeudi, "un point d'étape a pu être présenté" lors du conseil d'administration, a indiqué un porte-parole à l'AFP. "Néanmoins, du fait de l'interruption de séance liée aux perturbations, les modalités de cette implantation seront revues au cours des prochains CA", a-t-on ajouté.

Depuis l'automne, des étudiants de l'école contestent ce projet qui risque, selon eux, de conférer à l'entreprise un "grand pouvoir d'influence", ont-ils écrit sur un site internet dédié.

Vingt anciens élèves ont également exprimé leur désapprobation dans une tribune parue dans Le Monde, relevant que Polytechnique deviendrait "la seule grande école du monde à accepter des salariés d'un groupe privé en aussi grand nombre au sein de son campus": "imaginerait-on un centre de R&D de Free au milieu de Télécom Paris, de Monsanto sur le campus d'AgroParisTech, de Pernod Ricard dans une faculté de médecine?", interrogeaient-ils.

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