Le projet de loi finances (PLF) 2024 du gouvernement adopte "le bon cap" pour décarboner le secteur automobile, avec un budget total de 1,5 milliard d'euros, mais le "rythme est trop lent", a affirmé vendredi la directrice France de l'association Transport & Environment (T&E), Diane Strauss.
Lors d'un décryptage devant la presse, l'ONG a jugé le texte trop "timide en ce qui concerne la sobriété". Voici le point sur les différentes mesures.
- Durcissement "bienvenu" des malus -
Le PLF 2024 réforme deux malus auto payés par les automobilistes au moment de l'immatriculation du véhicule: le malus CO2 et le malus au poids.
Pour le premier, le seuil de déclenchement est abaissé à 5 g de CO2/km. "Concrètement, cela veut dire qu'environ 3/4 des voitures thermiques vont être malussées au moins un petit peu et 16% devront s'acquitter d'un malus de plus de 1.000 euros", contre 3% en 2021, décrypte Léo Larivière, de T&E.
Le seuil de déclenchement est abaissé pour le malus au poids : de 1,8 tonne aujourd'hui à 1,6 tonne). Un barème progressif - qui taxera plus les voitures plus lourdes - a été introduit. "Dans l'absolu, c'est une bonne chose car ça va encourager la production et l'achat de voitures plus petites et donc plus sobres", affirme M. Larivière, mais ça "n'élargit pas significativement la part des voitures à pétrole taxées": seul "5,5% du marché sera malussé".
Autre regret: que ce malus ne s'applique pas aux voitures électriques, qui ont tendance à être de plus en plus imposantes, posant "des problèmes climatiques, de ressources et d'accessibilité" tarifaire, explique-t-il. T&E plaide pour un seuil à 1,9 tonne, pour "taxer les plus grosses voitures électriques, sans décourager l'achat d'électriques assemblées en France".
- Leasing social: encore flou -
Le budget 2024 a introduit un système de leasing social, qui permettra aux plus démunis d'accéder dès novembre 2023 et "pour 100 euros par mois" à la location longue durée de voitures électriques.
"On est très satisfait, c'est une mesure qui pourrait être un marqueur fort de l'engagement du gouvernement pour accélérer l'électrique et le rendre plus accessible", a indiqué Marie Chéron, chez T&E.
Cependant, "on attend toujours les détails de la mise en place du dispositif", notamment les critères délimitant ceux qui pourront en bénéficier, précise-t-elle. Globalement, l'ONG plaide pour que cette solution de leasing remplace "progressivement" les bonus existants, "qui aident surtout les classes les plus aisées".
- Réforme des taxes sur les flottes d'entreprises -
Le texte prévoit de durcir sur quatre ans la taxe annuelle sur les émissions de CO2 que payent les entreprises pour toutes les voitures qu'elles détiennent ou louent. Il transforme aussi une deuxième taxe sur l'âge du véhicule en taxe sur les polluants atmosphériques, selon leur catégorie Crit'Air.
"C'est une très bonne mesure puisque ça va alourdir la fiscalité sur les voitures thermiques et donc inciter les entreprises à s'en détourner", juge Léo Larivière.
Ce changement est "très important" pour le verdissement du parc automobile dans son ensemble, car les entreprises représentent "plus de la moitié des nouvelles immatriculations" chaque année en France, mais elles "électrifient deux fois moins vite que les particuliers" (9% vs. 18% en 2022), explique-t-il.
Cependant, l'expert regrette les "faibles montants" de taxation sur les voitures thermiques un peu moins polluantes, mais qui restent problématiques. C'est pourquoi l'ONG préconise de doubler cette mesure d'une réforme des obligations de verdissement des parcs automobiles professionnels de plus de 100 véhicules légers, qui sont "très largement ignorées" et ne concernent que 1% des entreprises.
- Fin des exemptions fiscales pour les hybrides rechargeables -
Le PLF 2024 acte la fin des exemptions fiscales pour les voitures hybrides rechargeables, qui seront désormais soumises aux malus au poids, ainsi qu'aux taxes annuelles des entreprises sur les émissions de CO2 et sur les polluants atmosphériques.
"C'est une décision importante qui va permettre de pénaliser un peu cette motorisation, qui n'est pas une motorisation d'avenir", plusieurs études ayant montré que les hybrides surconsomment du carburant en conditions réelles, commente M. Larivière.