Malgré le fonds de solidarité, l'inquiétude persiste chez les indépendants

Photographes, coachs sportifs, hypnothérapeutes: depuis le reconfinement, l'ensemble des travailleurs indépendants ont accès au fonds de solidarité. Un "soulagement" pour ces entrepreneurs touchés de plein fouet par la crise économique, qui s'estiment toutefois oubliés par les politiques publiques.

"L'année dernière en octobre, qui était un très bon mois, j'étais à 4.000 euros de chiffre d'affaires. Ces 4.000 euros, c'est le montant que j'ai dû faire sur les six derniers mois", déplore Axelle Carlier, praticienne en hypnose basée à Lille.

Pour aider les petites entreprises et les trois millions d'indépendants, le gouvernement a mis en place en mars le fonds de solidarité, qui prévoit le versement d'une indemnité mensuelle pour compenser une partie de leur perte d'activité.

Mais en juillet, l'accès à ce dispositif a été limité aux secteurs les plus sinistrés, comme la restauration ou l'événementiel, excluant 2 millions d'entrepreneurs. Face à la mobilisation d'organisations de défense des indépendants et au second confinement, l'exécutif a finalement élargi le fonds de solidarité.

Cette aide est désormais ouverte à toutes les entreprises de moins de 50 salariés, dès lors que leur perte de chiffre d'affaires atteint au moins 50%, et pour un montant maximal de 1.500 euros par mois. Elle est plus importante pour les secteurs les plus pénalisés.

- "Le Covid a tout changé"-

"Un soulagement", pour Axelle, qui a connu "des hauts et des bas émotionnels". "Je compte profiter de cette petite parenthèse pour réfléchir, voir ce que je peux faire" pour rebondir, raconte-t-elle.

Passionnée par son métier, l'hypnothérapeute de 33 ans a vu sa clientèle chuter, malgré des consultations qu'elle continue d'assurer par visioconférence.

"Ma façon d'attirer de nouvelles personnes c'est en faisant beaucoup de formations, de stages ou de soirées d'hypnose. Le Covid a vraiment tout changé", explique-t-elle.

L'interdiction de divers événements a également mis à mal les finances de Laurent Qy. Ce photographe indépendant de 37 ans assure l'essentiel de ses prestations grâce aux événements d'entreprises et aux spectacles culturels.

"Comme tout a été annulé, il n'y a pas de travail et donc pas de rentrée d'argent", constate cet ancien consultant, qui a quitté son poste de salarié où il était "bien payé" pour exercer sa passion.

Laurent dit "bien s'en sortir pour le moment", ayant profité d'un "pic de travail" cet été. Mais son chiffre d'affaires depuis janvier a fondu d'environ 10.000 euros par rapport à l'année dernière.

"Je pense être revenu à mon chiffre d'affaires de 2018", détaille-t-il, soit sa deuxième année d'activité, même s'il a obtenu des aides prévues par le fonds de solidarité.

Mais "1.500 euros par mois, ce n'est pas énorme, sachant que les indépendants ont des frais de fonctionnement qui sont beaucoup plus élevés", dénonce Hind Elidrissi, porte-parole du syndicat pour les indépendants Independants.co.

- aucune garantie sur la durée -

"Le dispositif n'est pas garanti sur la durée non plus. Aujourd'hui, ce qu'on craint, c'est qu'au premier jour du déconfinement, cette aide soit brutalement arrêtée", s'inquiète-t-elle.

"J'espère qu'on ne sera pas lâché encore une fois sur le côté de la route, en nous disant: +allez le confinement est fini, reprenez le travail+. Ce n'est pas parce qu'on est ouvert que les gens vont se précipiter à notre porte", abonde Axelle.

Pour Hind Elidrissi, le travail indépendant est un "impensé des politiques publiques". "Un indépendant ne peut pas se mettre en chômage partiel du fait de la crise, il ne peut pas non plus, en cas de problème, bénéficier de l'assurance chômage", précise-t-elle.

"On a besoin d'une vision à long terme et d'un accompagnement adapté. Sous cette réserve, les indépendants vont à mon avis très bien se sortir de la crise", estime la porte-parole.

En attendant le déconfinement, Axelle et Laurent revoient leur stratégie, qui passe notamment par une chaîne YouTube.

"J'essaie de nouveaux formats, dans le cas où on est confiné plus longtemps", assure le photographe, qui va présenter sur la plateforme des tutoriels sur le cadrage ou encore la prise de son.

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