La chute boursière des valeurs technologiques risque de perturber les levées de fonds des pépites les plus matures mais les jeunes start-up restent attractives pour les investisseurs, estiment les co-fondateurs d'Alven, au moment de lancer un nouveau fonds ciblé sur les très jeunes pousses.
"Ce que l'on observe clairement depuis quelques mois, et cela s'est accentué ces dernières semaines, c'est que cela devient très difficile" de lever des fonds pour les start-up confirmées, qui cherchent des investisseurs capables de miser des dizaines ou des centaines de millions d'euros, reconnaît Guillaume Aubin, co-fondateur et co-directeur général d'Alven avec Charles Letourneur.
En revanche, "pour les sociétés qui démarrent aujourd'hui", qui cherchent à lever des fonds plus limités pour financer les premières étapes de développement, "il y a encore pas mal d'appétit", affirme-t-il.
"Nous avons bouclé 10 opérations sur les six derniers mois, fait deux promesses d'investissement ces deux dernières semaines, et nous allons continuer à investir activement", détaille-t-il.
Le Nasdaq, le marché de la Bourse de New York où sont cotées les sociétés technologiques, a perdu plus de 20% de sa valeur depuis le début de l'année.
La chute est vertigineuse pour certains titres comme Meta (-40%), Docusign (-45%), Salesforce (-35%) ou Netflix (-65%).
La "tech" est moins recherchée en Bourse et devient par ricochet moins plébiscitée par les investisseurs en capital-risque.
Dans un contexte de resserrement monétaire, certains spécialistes s'attendent à un ralentissement des levées de fonds, après le rythme effréné des dernières années (entre 2020 et 2021, les montants levés en France ont doublé, à 11,6 milliards d'euros).
Mais Guillaume Aubin et Charles Letourneur, qui ont lancé leur premier fonds en 2000 et survécu à l'éclatement de la bulle internet puis à la crise financière de 2008, restent sereins.
"Ce qui nous a permis de survivre, c'est de rentrer très tôt dans les sociétés", fait valoir le premier. "La croissance des affaires a fait plus que surmonter la baisse des valorisations".
- "Ralentissez, embauchez moins" -
Aux sociétés les plus matures de son portefeuille, Alven conseille désormais la prudence.
"On leur dit: +Faites en sorte de ne pas avoir à lever impérativement dans les six prochains mois. (...) Ralentissez, embauchez moins+", explique Guillaume Aubin.
Pour les start-up encore embryonnaires, les valorisations "sont plus raisonnables", constate-t-il.
"Il y a quelques mois, un entrepreneur à succès qui lançait un nouveau projet avec uniquement des slides (diapositives, NDLR) et une équipe pouvait avoir 8 propositions d'investisseurs en une semaine, pour un projet entre 30 et 50 millions d'euros", raconte-t-il.
"Aujourd'hui, dans la même situation on serait plutôt entre 10 et 20 millions d'euros", affirme-t-il.
Sur le fond, le besoin de numérique reste énorme. "Les grands groupes ont besoin de traiter de plus en plus de données et ne vont pas revenir en arrière. Tout cet aspect de digitalisation des processus" de production "va continuer et nourrir la croissance", prévoit Charles Letourneur.
Et "l'une des règles de notre métier, c'est de continuer d'avoir un rythme d'investissement, en haut de cycle comme en bas de cycle", indique-t-il.
"Les plus belles affaires ont souvent été créées en bas de cycle. La plupart des 25 licornes (jeunes société tech ayant dépassé le milliard de dollars de valorisation) ont été crées entre 2012 et 2014", souligne-t-il.
Les investisseurs participant au nouveau fonds d'Alven, doté de 350 millions d'euros, sont principalement des investisseurs institutionnels - banques, compagnie d'assurance, fonds de pension... - qui "cherchent des actifs peu liquides, à haut rendement à long terme", relate Charles Letourneur.
"Nous avons un noyau dur français et européen mais nous avons de plus de plus de grands investisseurs internationaux", qui ont réalisé que les performances des fonds européens "étaient très bonnes".
"On sait désormais créer en Europe" des sociétés "tech" comparables aux sociétés américaines, "mais à des coûts plus faibles", considère-t-il.
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