Macron tenté par un référendum sur l'écologie, un coup politique risqué

Emmanuel Macron est de plus en plus tenté d'organiser un référendum sur des propositions écologiques de la Convention citoyenne sur le climat, un coup politique risqué pour essayer de capter le vote écologiste et dépasser les oppositions de gauche comme de droite.

Comme il l'a indiqué jeudi à quelques éditorialistes, le chef de l'Etat compte regarder les propositions une par une et si possible organiser un référendum à questions multiples sur quelques-unes des propositions que doit adopter la Convention d'ici dimanche, selon plusieurs participants.

Une hypothèse qu'il avait évoquée dès l'annonce de l'instauration de la Convention en avril 2019, après la crise des "gilets jaunes". Pour lui, c'est non seulement une manière de moderniser la démocratie française, mais aussi une méthode de dialogue pour faire accoucher des idées.

C'est surtout un pari politique inédit, soulignent les analystes, à l'image de ce président qui mise sur ses intuitions, comme lorsqu'il a décidé un déconfinement dès le 11 mai, contre l'avis des scientifiques.

Il donnera une première réponse en recevant les membres de la Convention le 29 juin, à annoncé l'Elysée, soit le lendemain du second tour des élections municipales qui devraient voir monter le vote écologiste.

Il devrait ensuite décider en juillet s'il se lance dans un référendum, a-t-il dit aux éditorialistes. Mais il veut éviter d'en apparaître comme le porteur pour ne pas le transformer en vote pour ou contre lui et assure ne pas chercher à se "relégitimer".

Réussir à mobiliser les Français sur des objectifs écologiques concrets, comme la rénovation thermique des bâtiments obligatoire, serait en outre une nouvelle manière de dépasser le clivage gauche-droite, ainsi qu'une façon de retourner sur un terrain perdu depuis le départ fracassant du gouvernement de Nicolas Hulot.

- "Risqué"-

"Il faut donner les clés aux Français pour pouvoir décider de mesures que ni la droite ni la gauche n'ont prises jusqu'à présent. Seul un référendum est à la hauteur de l'exigence climatique", a plaidé vendredi l'un de ses proches, l'eurodéputé LREM Pascal Canfin, ancien directeur du WWF.

Il a suggéré un référendum à questions multiples avant la fin de l'année sur des mesures proposées par la Convention, "afin de rester compréhensible par tous les Français et ne pas devenir un instrument de récupération politique et partisane, une sorte de plébiscite pour ou contre Macron".

C'est le risque inhérent aux référendums que pointent tous les analystes.

"Tout dépendra de la manière dont il est organisé. Si c'est un référendum à choix multiple, que l'on peut dire oui à certaines mesures et non à d'autres, Emmanuel Macron ne pourra pas perdre. Et le fait d'avoir organisé un tel référendum sera pour lui un bon point", explique Bruno Cautrès, du Cevipof.

"Mais cela ne suffira pas pour se sortir des difficultés et ne garantit ni sa réélection, ni même sa qualification au second tour de la présidentielle de 2022", selon le chercheur.

"Il existe aussi le risque que l'écologie soit vue comme un produit de luxe, et il n'est pas certain qu'une majorité de la population rentre dans cette logique", avertit enfin le spécialiste de communication politique Philippe Moreau-Chevrolet.

"Un référendum sera risqué s'il est conçu comme un moyen de renouer le lien entre le président et le pays et peut alors coaliser des mécontentements contre lui", estime de son côté l'analyste politique Stéphane Rozès.

"Mais s'il s'inscrit dans une nouvelle orientation présidentielle, les Français peuvent avoir le sentiment de peser directement sur le cours des choses".