Macron devant les parlementaires de la majorité, avant la fusillade de Strasbourg

Souvent en première ligne, les parlementaires de la majorité, ébranlés par la crise des "gilets jaunes", ont été reçus mardi soir par Emmanuel Macron, auquel plusieurs députés reprochent un manque d'écoute, mais la rencontre a été écourtée par la fusillade de Strasbourg.

Alerté "pendant son discours", le chef de l'Etat a pris connaissance du premier bilan transmis par le chef d'état major, en a dit quelques mots puis a écourté la réunion, selon plusieurs participants.

Auparavant, le président s'était livré à un "exercice de remobilisation collective" et d'explication, voire "un examen de conscience partagé" en pleine crise des "gilets jaunes", selon plusieurs "marcheurs".

Il a souhaité une meilleure "co-construction" entre la majorité et le gouvernement, et a poussé les parlementaires, "premiers non cumulards", à aller davantage sur le terrain et en substance à ne pas se laisser "parisianiser".

"On ne peut réformer qu'avec le peuple et les corrections que j'ai faites s'inscrivent dans l'ADN d'En Marche", avec le travail qui doit payer plus, a-t-il justifié au lendemain de ses annonces aux Français, selon des propos rapportés.

Et en forme de mea culpa: "En avançant sur l'économique très rapidement à juste titre, mais en jalonnant les attentes sociales, c'était une erreur" et cela ne correspondait pas au "en même temps". C'est pourquoi "nous devons agir pour ceux qui travaillent et ne joignent pas les deux bouts".

Les "marcheurs", pour la plupart novices en politique, ont reçu de plein fouet dans leurs circonscriptions la colère des "gilets jaunes".

Plusieurs permanences vandalisées, quelques domiciles approchés par des manifestants, une élue affirmant ne pouvoir sortir sans un gendarme à ses côtés... Pire: une balle reçue par Benoit Potterie avec ce message: "La prochaine fois, tu la prends entre les deux yeux".

- Parlementaires "éprouvés" -

"Ces actes criminels ne doivent pas nous faire céder à la peur, à la surenchère ou à la confusion", a affirmé mardi dans l'hémicycle la députée de Dordogne Jacqueline Dubois, dont le véhicule et celui de son mari sont partis en fumée samedi. Edouard Philippe a condamné des actes "gravissimes".

Le rendez-vous à l'Élysée avec les 370 parlementaires LREM et MoDem, pas rencontrés collectivement depuis l'affaire Benalla, devait permettre de réconforter des élus "très éprouvés" et la réunion, prévue de longue date, devait avoir "une dimension à la fois politique et psychologique", selon l'entourage du président.

La réunion de groupe hebdomadaire, dans la matinée, a donné lieu à une "discussion franche" et l'ensemble du groupe est tombé d'accord sur le fait "qu'il est nécessaire d'impliquer davantage les députés dans le processus de décision", selon un participant.

"Beaucoup de députés ont exprimé leurs difficultés actuelles, l'impression de ne pas avoir été assez entendus", d'après Matthieu Orphelin, selon qui "beaucoup ont (aussi) demandé à porter des options politiques, ce qui nous a sans doute manqué dans les 18 premiers mois".

Yves Daniel, issu des rangs socialistes, a plaidé devant ses pairs pour qu'il n'y ait pas de "rupture de chaîne" d'information comme sous le précédent quinquennat, des élus de terrain jusqu'au président: "Le président du groupe doit mettre de l'huile dans les rouages".

Natalia Pouzyreff s'est étonnée que les parlementaires LREM n'aient pas été reçus jusqu'alors à l'Élysée, contrairement à des maires des Yvelines vendredi, emmenés par Karl Olive (LR). Mais il y a une "crise de confiance" avec les maires, pas avec les députés, lui a rétorqué une collègue.

Le patron du groupe majoritaire Gilles Le Gendre a lui assuré qu'ils auraient "un rôle essentiel" à jouer, notamment dans la concertation sur les territoires. Marie Guévenoux et Eric Bothorel ont été désignés pilotes il y a une semaine déjà.

"Les annonces faites hier (lundi) sont maintenant nos annonces. Nous devons les porter et les défendre", a souligné auprès de l'AFP Adrien Taquet (Hauts-de-Seine), tandis qu'un autre pointait une certaine "immaturité" chez certains macronistes, manquant de sens politique.