Souvent en première ligne, parfois même menacés de mort, les parlementaires de la majorité ont été ébranlés par la crise des "gilets jaunes". Ils sont reçus mardi soir à l'Élysée par Emmanuel Macron, auquel plusieurs députés reprochent un manque d'écoute.
Plusieurs permanences vandalisées, quelques domiciles approchés par des manifestants, une élue affirmant ne pouvoir sortir sans un gendarme à ses côtés... Pire: une balle reçue par Benoit Potterie avec ce message: "La prochaine fois, tu la prends entre les deux yeux".
"Ces actes criminels ne doivent pas nous faire céder à la peur, à la surenchère ou à la confusion", a affirmé mardi dans l'hémicycle la députée de Dordogne Jacqueline Dubois, dont le véhicule et celui de son mari sont partis en fumée samedi.
"Soyez sûre de la solidarité de tous les membres de l'Assemblée face à ces violences", lui a répondu son président Richard Ferrand, tandis qu'Édouard Philippe a condamné des actes "gravissimes".
Les "marcheurs", pour la plupart novices en politique, ont reçu de plein fouet dans leurs circonscriptions la colère des "gilets jaunes". Certains avaient commencé à alerter avant l'été sur les risques autour du pouvoir d'achat.
Leur inquiétude est teintée d'une frustration de ne pas être assez "entendus", même si des rendez-vous par petits groupes sont organisés avec le chef de l'État.
Le rendez-vous à l'Élysée doit permettre de réconforter des élus "très éprouvés" et "cette réunion prévue de longue date aura une dimension à la fois politique et psychologique", selon l'entourage du président.
Avec les 370 parlementaires LREM et MoDem, pas vus collectivement depuis l'affaire Benalla fin juillet, Emmanuel Macron a prévu de faire le point sur les annonces de lundi mais aussi d'évoquer la concertation nationale qui doit débuter dès la semaine prochaine.
- "discussion franche" -
Ces sujets ont été abordés mardi matin lors d'une réunion de groupe à l'Assemblée, parfois agitée. Pendant plus de deux heures, les députés se sont livrés à une "discussion franche" et l'ensemble du groupe est tombé d'accord sur le fait "qu'il est nécessaire d'impliquer davantage les députés dans le processus de décision", selon un participant.
"Beaucoup de députés ont exprimé leurs difficultés actuelles, l'impression de ne pas avoir été assez entendus", d'après Matthieu Orphelin, selon qui "beaucoup ont (aussi) demandé à porter des options politiques, ce qui nous a sans doute manqué dans les 18 premiers mois".
Yves Daniel, issu des rangs socialistes, a plaidé devant ses pairs pour qu'il n'y ait pas de "rupture de chaîne" d'information comme sous le précédent quinquennat, des élus de terrain jusqu'au président: "Le président du groupe doit mettre de l'huile dans les rouages".
Natalia Pouzyreff s'est étonnée que les parlementaires LREM n'aient pas été reçus jusqu'alors à l'Élysée, contrairement à des maires des Yvelines vendredi, emmenés par Karl Olive (LR). Mais il y a une "crise de confiance" avec les maires, pas avec les députés, lui a rétorqué une collègue.
Le patron du groupe majoritaire Gilles Le Gendre a lui assuré qu'ils auraient "un rôle essentiel" à jouer, notamment dans la concertation sur les territoires. Marie Guévenoux et Eric Bothorel ont été désignés pilotes il y a une semaine déjà.
"On a tous des bonnes raisons d'être en colère" mais "les annonces sont à la hauteur des enjeux" et "nous devons être les vigies de leur bonne et pleine application", a aussi lancé Sacha Houlié (Vienne).
"Les annonces faites hier (lundi) sont maintenant nos annonces. Nous devons les porter et les défendre", a souligné auprès de l'AFP Adrien Taquet (Hauts-de-Seine), tandis qu'un autre pointe une certaine "immaturité" chez certains macronistes, manquant de sens politique.
"Il fallait un geste fort" et "maintenant il faut renouer le contact, essayer de construire quelque chose sur les trois mois de concertation à venir avec ces gens sur les rond-points", a estimé Patrice Perrot (Nièvre).
Un autre, fataliste, lâche: "Pour certains ça ne suffira jamais, ceux qui sont politisés".
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