"M. le Ministre, ici c'est la FNSEA !": Marc Fesneau accaparé par le syndicat majoritaire

"Vous avez fait le bon choix M. le Ministre": Marc Fesneau a passé de longues heures au congrès du syndicat agricole majoritaire FNSEA plutôt que de s'afficher aux côtés du chef de l'Etat qui présentait jeudi un "plan de sobriété" sur l'eau dans les Alpes.

Dès mercredi soir, la présidente sortante du syndicat agricole a donné le ton : "Lambert 1 - Macron 0", a-t-elle lancé devant le ministre de l'Agriculture, en poste depuis moins d'un an.

"M. le Ministre, ici c'est la FNSEA !", a-t-elle aussi clamé le lendemain.

Le ministre et vice-président du MoDem était initialement annoncé par l'Elysée parmi les participants à la présentation du plan Eau, dans lequel l'agriculture tient une place de choix.

Mais le syndicat a insisté pour qu'il maintienne sa venue au congrès à Angers. "Christiane l'a appelé et ça a été réglé", croit savoir un cadre du puissant syndicat.

Ce sera la dernière victoire, avant de passer la main, de Christiane Lambert, passée maître en lobbying après une longue carrière syndicale, dont six ans à la présidence de la FNSEA. Elle garde la présidence de la puissante confédération agricole européenne Copa.

En France, la FNSEA, qui contrôle la plupart des chambres d'agriculture, façonne largement depuis sa création en 1946 la politique agricole, dans une forme de "cogestion" avec l'Etat souvent dénoncée par les organisations concurrentes.

Dès le premier jour du congrès, mardi, c'est le ministre de la Transition écologique et ex-maire d'Angers, Christophe Béchu, qui s'est présenté lors d'une session à huis clos. Il était jeudi au côté du président Macron dans les Hautes-Alpes.

"C'est la première fois qu'un ministre de l'Environnement vient au congrès", a souligné Mme Lambert.

M. Fesneau a quant à lui assisté mercredi soir au congrès qui a longuement rendu hommage à Mme Lambert. Il y a passé encore plus de quatre heures jeudi.

- "Sans subir de pression" -

Entre les Alpes, avec Emmanuel Macron, et Angers, où la FNSEA a rassemblé un millier de personnes, c'est "un choix cornélien qui vous était imposé", a souligné jeudi matin Arnaud Rousseau, qui prendra la suite de Christiane Lambert à compter du 13 avril.

"Vous avez fait le choix des agriculteurs, vous avez fait le bon choix M. le Ministre", a-t-il poursuivi.

"Il y avait un moment de tiraillement, de choix. A la vérité c'était assez naturel pour moi d'être devant vous", a répondu Marc Fesneau au début de son intervention, à la mi-journée.

"J'ai considéré que c'était là sans doute que j'étais le plus utile dans le moment particulier que nous traversons", a-t-il ajouté, en affirmant que tout cela s'était passé "sans subir de pression".

Sur scène, Mme Lambert a mené la danse, alternant coups de gueule - contre "le fanatisme décroissant" en Europe, "une clique d'irresponsables politiques" venus s'opposer aux "mégabassines" - et satisfecits sur les arbitrages remportés - les lois Egalim renforçant le poids des agriculteurs et industriels face aux supermarchés.

Son meilleur ennemi chez les distributeurs, Michel-Edouard Leclerc, "est vénère". "Les mouches ont changé d'âne M. le Ministre", rit-elle.

Elle a fait applaudir les agriculteurs des Deux-Sèvres, département en proie à un violent conflit d'usage de l'eau, symbolisé par les stockages artificiels pour les agriculteurs qualifiés de "mégabassines" par leurs détracteurs.

Le ministre s'est joint, debout, aux applaudissements.

Mme Lambert a aussi fait huer la Confédération paysanne, syndicat minoritaire et coorganisateur de la manifestation qui a dégénéré samedi dans ce département, à Sainte-Soline.

Devant les congressistes, et alors que le président Macron avait à peine commencé à dérouler le "plan de sobriété" sur l'eau, M. Fesneau a tenu à rassurer les agriculteurs : leur secteur ne sera pas autant mis à contribution que d'autres, alors même qu'il est le plus consommateur (58% du total).

"On ne redemande pas un effort supplémentaire" aux agriculteurs, a-t-il dit.

Critique du programme gouvernemental, le porte-parole de la Confédération paysanne Nicolas Girod a déploré, dans une visioconférence jeudi, le fait "d'aller annoncer des décisions agricoles devant une partie du monde agricole et de nier toutes les autres (...) Ce n'est pas quelque chose qu'on peut admettre et accepter. On le dira à Marc Fesneau".

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