Chaque matin, Karine Arditti, professeure d'histoire-géographie de 44 ans, enfourche son vélo-cargo, conduit sa fille de cinq ans à l'école avant de poursuivre sa route vers un lycée de Villeurbanne, commune limitrophe de Lyon.
Les conditions de circulation s'améliorent, note-t-elle, notamment grâce aux "coronapistes", ces voies cyclables qui ont fleuri à la faveur des confinements. Et "les relations sont plus apaisées avec les automobilistes."
"Apaiser la voirie": c'est le leitmotiv des écologistes à Lyon depuis leur arrivée à la tête de la municipalité il y un an. En clair: moins de voitures, plus de piétons, de vélos et de transports en commun.
Mais rendre "une ville 100% cyclable et marchable" demande du temps.
L'objectif est de passer de 1.000 à 2.000 km de pistes sur le mandat dans les 59 communes de l'agglomération. A la faveur de la crise sanitaire, 33 km d'aménagements cyclables ont été pérennisés, soit plus de 10% de voies en moins d'un an, alors qu'un boom du vélo gagne la métropole.
Les compteurs y ont recensé plus de 15,7 millions de passages de cyclistes entre le 1er janvier et le 15 juin, contre 11,6 millions sur la même période en 2019.
"Les ventes de vélo ont explosé, les marchands sont en manque de stock", confirme Frédérique Bienvenue, co-présidente de la très active association La Ville à Vélo.
Un projet phare de "Réseau express vélo" (REV) vient d'être lancé, 250 km de pistes à créer ou aménager d'ici 2026 pour relier les communes de l'agglomération à la ville-centre.
Pourtant, les pro-vélo restent frustrés. "Au bout d'un an on en est encore à des réunions de concertation" sur la mise en place de pistes en dur et du REV, souligne Mme Bienvenue.
"A Paris, (la maire) Anne Hidalgo s'est pris des tomates parce qu'ils ont mis un an à rentrer dans la phase travaux. Nous c'est pareil, la voirie, c'est forcément du temps long", répond le vice-président de la métropole désigné pour gérer les mobilités actives et la voirie, Fabien Bagnon.
Les adeptes du cycle s'agacent aussi de devoir partager les ressources avec les piétons. "On nous a annoncé un doublement du budget +mobilités actives+ à 320 millions d'euros mais cela comprend aussi la remise à niveau de l'espace +marchable+. Un énorme budget va partir là-dessus", regrette Mme Bienvenue.
- "Discriminatoire" -
Car pour la mairie écolo, avoir "une ville qui respire", c'est mettre l'accent sur la piétonnisation.
"On ne souhaite pas rendre la voiture invisible mais qu'il y en ait moins", confirme Valentin Lungenstrass, adjoint à la mobilité et à la logistique urbaine, notamment en réorganisant "la circulation pour dissuader les automobilistes qui n'ont rien à y faire" d'emprunter des petites rues en suivant leurs applications de guidage.
Le cap fixé est celui d'un parc automobile "réduit et dépollué" avec bannissement du diesel d'ici 2026 dans la Zone à faibles émissions de Lyon et Villeurbanne. Ce qui fâche de nombreux élus et automobilistes, dont 70% roulent au diesel.
L'association "40 millions d'automobilistes" dénonce une mesure "discriminatoire envers les foyers les plus modestes" - même si la majorité écologiste promet une aide à l'achat de véhicules "propres".
"Ce qui me gêne, c'est quand on prend une mesure sans faire de plan de circulation ou d'étude d'impact, quand on fait de la politique", dénonce Pierre Chasseray, délégué général de l'association. "Leur objectif, c'est de créer des bouchons", tonne-il en évoquant aussi la mise en place de tronçons réservés au covoiturage sur l'ex-A6/A7 aux portes de Lyon.
"Les embouteillages, est-ce bon pour le climat?", twittait récemment l'ancien maire, Gérard Collomb, passé dans l'opposition.
"Je ne veux pas de bouchons, je veux moins de voitures pour créer plus de places pour les autres", se défend le président de la métropole de Lyon Bruno Bernard, reconnaissant qu'il existe encore quantité "de zones de la métropole où la voiture a sa place".
- Télécabine en pleine bourrasque -
Pour diminuer la part de la voiture individuelle, les Verts comptent sur un téléphérique urbain pour relier l'ouest au sud de la ville fin 2025, avec à terme l'ambition de transporter 20.000 à 25.000 voyageurs par jour.
Mais là aussi, des opposants grondent: ils évoquent le survol de quartiers résidentiels et de bâtiments historiques ou classés, des pollutions visuelles et sonores, la crainte d'expropriations, le coût de 160 millions d'euros (au minimum), leurs doutes sur l'utilité réelle du projet. Ils déplorent également l'absence de débat préalable et la mise en sommeil du métro E, projet censé desservir cette zone qui ne s'est jamais concrétisé.
"Quand on a près de 6 km de câble à une vingtaine de mètres au-dessus des maisons, huit gares et 40 pylônes, ça va se voir !", s'alarme Patrick Romestaing, membre de l'association Touche Pas à Mon Ciel, qui habite Sainte-Foy-lès Lyon.
"Et puis c'est un projet inadapté, les études sont insuffisantes sur plusieurs aspects, notamment celui du vent", selon lui potentiellement problématique dans cette zone à flanc de colline.
"C'est totalement faux, si on prend les données météo on obtient un total de trois jours d'arrêt par an", balaie le président de la métropole, qui juge toutefois les inquiétudes "légitimes" et lancera une concertation à l'automne.