Lot-et-Garonne: l'Etat efface l'ardoise de la Coordination rurale

La préfecture du Lot-et-Garonne, ciblée par la Coordination rurale lors du conflit agricole, ne portera pas plainte et annonce la prochaine "mise en conformité" d'une retenue d'eau construite illégalement par le syndicat il y a cinq ans.

"Les dégâts, s'il y en a, ne sont pas significatifs. Aucun agent public n'a été malmené. La ligne rouge n'a donc pas été franchie", a déclaré lundi le préfet Daniel Barnier devant la presse locale, qui l'interrogeait sur la facture de nettoyage de 400.000 euros occasionnée à Agen par les déversements de lisier, pneus et autres déchets par la CR47.

Fin janvier, ce syndicat majoritaire dans le département, où il contrôle la Chambre d'agriculture, a initié un important convoi de tracteurs qui a convergé vers le marché de Rungis.

Face à son influence, le préfet semble désireux de rétablir un dialogue, notamment en proposant de régulariser la situation du lac de Caussade.

Cette retenue agricole, pouvant stocker 920.000 m3 d'eau, a été creusée à l'hiver 2018-2019 par la Chambre d'agriculture, malgré l'annulation d'un arrêté préfectoral autorisant les travaux après intervention de deux ministères (Transition écologique et Agriculture).

En 2021, la justice administrative a confirmé l'illégalité de l'ouvrage, destiné notamment à l'irrigation, sans ordonner la remise en état du site. Deux dirigeants de la Chambre d'agriculture, dont son président Serge Bousquet-Cassagne, ont été condamnés à de la prison avec sursis en 2022.

"Le lac existe depuis cinq ans. Il est inscrit dans le paysage et a montré son utilité lors des périodes de sécheresse. C'est un ouvrage qui reste illégal. Mon sujet est d'aller vers une mise en conformité", a déclaré le préfet selon le journal Sud Ouest.

"Si tout le monde joue le jeu, une mise en conformité juridique du lac pourrait être actée en 2025. J'ai le feu vert du ministère", a-t-il ajouté, deux semaines après l'appel du Premier ministre Gabriel Attal à lutter contre "les bâtons dans les roues" entravant les "projets de retenues collinaires, bassines et autres".

"S'il veut régulariser le lac, grand bien lui fasse, mais à condition qu'on n'engage pas un centime de plus pour faire semblant de le sécuriser encore davantage", a déclaré mardi à un correspondant de l'AFP Serge Bousquet-Cassagne.

"Je lui donne six mois pour le régulariser", a ajouté cette figure historique de la Coordination rurale locale, qui sera reçu mercredi à l'Elysée par Emmanuel Macron avec la présidente nationale du syndicat, Véronique Le Floch.

Pour Philippe Barbedienne, vice-président de la Sepanso, la régularisation annoncée du lac de Caussade relève au contraire "d'une démagogie totale". Cette fédération régionale d'associations de protection de l'environnement a attaqué l'Etat pour "faute" dans ce dossier devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Désormais, "il n'y a pas de raison que les préfets n'autorisent pas toutes les constructions illégales. C'est la preuve de la faiblesse totale de l'Etat. Ou les lois sont bien faites et il faut les faire appliquer, ou il faut changer les lois", a-t-il déclaré à l'AFP.

Dans un récent rapport sur la gestion de la Chambre d'agriculture par la CR47, la Cour des comptes avait déploré que la réserve de Caussade "continue d'être exploitée malgré son illégalité".