Loi SRU: la volonté des maires "déterminante" dans l'atteinte des objectifs, selon une étude

Le respect de la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU), qui impose jusqu'à 25% de logements sociaux dans certaines villes, dépend avant tout de la volonté politique des maires et non de contraintes extérieures, selon la Fondation Abbé Pierre.

La Fondation a révélé jeudi les résultats d'une enquête comparative menée, en partenariat avec l'université Paris 1, dans douze communes déficitaires en HLM. Objectif: évaluer si les difficultés invoquées par les élus sont réelles ou si elles masquent une absence de volonté politique, assumée ou non.

Cette étude intervient en pleine polémique sur un projet de loi du gouvernement, qui prévoit d'assouplir la loi SRU pour permettre aux communes déficitaires de rattraper leur retard.

"A contraintes similaires, certaines communes réussissent à amorcer une bien meilleure dynamique de construction que d'autres", constatent les auteurs, pour qui "c'est avant tout la volonté politique qui est déterminante".

Malgré "des objectifs comparables et des contraintes foncières et patrimoniales similaires", Annecy a ainsi atteint "81% de ses objectifs de rattrapage entre 2020 et 2022, contre seulement 5% pour Biarritz".

"Respecter la loi SRU, c'est difficile quand vous avez accumulé du retard depuis des décennies (...). Ça demande parfois d'aller à l'encontre de certains de vos administrés et ça demande également de l'argent public. L'intérêt de cette étude était de montrer que ce n'était pas impossible", a commenté lors d'un point-presse Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre (FAP).

Trois profils se dégagent: les communes -rares- engagées dans le rattrapage de leur retard (Carpentras), celles qui, plus nombreuses, remplissent partiellement leurs objectifs mais dont les élus ont un discours ambigu (Biarritz, Annecy, Bidart) et celles qui ont renoncé ou s'opposent à la loi (Nice, Toulon).

Parmi les freins souvent cités figurent la difficulté d'accès au foncier, les contraintes géographiques ou environnementales et la contestation des habitants.

Longtemps hostile à la loi, Biarritz (Pyrénées-Atlantiques) subventionne chaque logement HLM à hauteur de 90.000 euros.

- Maires "hors-la-loi" -

Mais selon la FAP, "l'octroi de subventions n'est qu'une manière de réduire le montant de la pénalité SRU de quatre millions d'euros" dont la commune doit s'acquitter, la volonté de produire n'étant déclenchée "que sous la contrainte".

Bidart (Pyrénées-Atlantiques) a elle pratiquement atteint ses objectifs quantitatifs de rattrapage, mais rate ses objectifs qualitatifs d'au moins 30% de logements très sociaux (PLAI). Ce que l'étude explique en partie "par un choix politique de limiter l'arrivée des groupes sociaux les plus précaires".

Les maires "hors-la-loi" se caractérisent quant à eux par une "inertie en matière de construction" combinée à un "positionnement assumé de refus de l'application de la loi".

A Toulon, où l'on se réfugie "derrière des contraintes de foncier" liées aux zones militaires, le logement social reste ainsi "largement perçu comme le perturbateur d'un équilibre social sacralisé, à préserver à tout prix, au détriment des populations les plus précarisées".

A Nice, où la loi est présentée comme "un racket d'État", l'un des arguments avancés pour expliquer les difficultés à construire est aussi celui de la rareté et du prix du foncier.

Cependant, "en 2020-2021, Nice a artificialisé six fois plus que la moyenne des douze plus grandes métropoles françaises", relève la FAP.

"On s'est aperçu qu'en cas d'obstacle réel, les préfets et la loi elle-même permettent des aménagements", souligne Manuel Domergue.

Le projet de loi "Logement", qui sera examiné à partir du 17 juin au Sénat, autorise certaines communes déficitaires à intégrer jusqu'à un quart de logements intermédiaires, aux plafonds de ressources et aux loyers plus élevés qu'en logement social.

Selon le dernier bilan triennal 2020-2022 cité par la FAP, 659 des 1.031 communes concernées n'ont pas atteint leurs objectifs, soit 64% du total.

Adoptée en l'an 2000, la loi SRU instaure des quotas de 20% ou 25% de logements sociaux dans les communes de plus de 3.500 habitants situées dans une aire urbaine de plus de 50.000 habitants.

Les communes déficitaires doivent payer une amende et se voient assigner un objectif triennal de production de HLM pour rattraper leur retard. Si elles ne le respectent pas, elles peuvent être déclarées "carencées" et devoir payer une amende majorée.

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